Vers la société multiculturelle de l'avenir
Par Gilles Marchand

Une attitude puritaine en matière de flux humains et culturels est une misère de l'esprit autant qu'une ruine à venir des pays qui la prôneront.

Une des questions qui semble agiter certaines consciences asservies par des années de rumination stérile ces temps ci est celle de la préférence nationale dans un but d'évidente préservation des intangibles valeurs qui ont fait l'inexpugnable gloire de certains grands peuples marmoréens. On a la trouille, on s'inquiète. En un mot comme en trois, l'étranger fait peur. Son externalité, son peu d'adhérence aux thèses défendues par ces soit disant penseurs préoccupe. On y va à reculons avec commisération et le maximum de précautions oratoires qui s'imposent — quand on y va. C'est la belle attitude de ceux qui surfent entre leur boulanger, leur supermarché et leur lieu de travail culturel.

Dans le triangle exigu de leur manque de foi en l'avenir.

Ces personnes et cela est valable à l'échelle mondiale voudraient nous intimer l'ordre de détester en retour ce que nous comprenons, d'abandonner l'attitude d'ouverture qui — miraculeusement — semble encore être la notre et nous ramener aux époques féodales qu'ils n'ont pas tout à fait quittées.

Fermeture des frontières, fermeture des ouïes, retranchement dans les soubassements d'une culture qui se flétrit. Rejet du différent, quasi-volonté nationaliste de purification ethnique. On ne se mélange pas, on refuse de recevoir tout ce que l'on a à recevoir. On se ferme, on gèle des écoutilles. Super attitude qui va directement du point de la relative entente jusqu'à l'affrontement. Quand on se cramponne à de petites certitudes périmées, il arrive que les problèmes que vous niez vous rejoignent là où vous tenez.

Nous avons tout à gagner de la multiplication même à outrance des échanges. Nous avons tout à gagner de faire confiance à une jeunesse qui a pourtant été systématiquement maintenue dans un état de minorité critique, écartée, incomprise, soumise à une mise en boucle des desiderata adultes.

On voit aujourd'hui quel est le résultat de cette attitude. Tout va bien pour un nombre toujours plus réduit de personnes soucieuses de conserver indéfiniment les choses en l'état dans un monde qui n'a jamais changé aussi vite. La fin de l'histoire était une bien belle mécanique, huilée, équilibrée, généreuse presque, mais totalement irréaliste.

Aujourd'hui le futur déborde de partout.

Il nous atteint même dans les endroits où nous cherchons à l'éviter. Comment l'intégrer ? Internet est une stratégie du débordement mais c'est aussi une fabuleuse machine à développer des pratiques intellectuelles et culturelles dans l'accroissement des contacts, dans la densité de ses contenus, et la réalisation des potentiels qu'il permet de concrétiser. Mais là aussi nous doutons.

Nous reproduisons les petites contorsions protocolaires qui ont présidé à l'accueil de toutes les inventions majeures. L'aspect négatif est amplifié par cette attitude de commisération. Les croyances se rencontrent. Sans une prise en compte ouverte de toutes les tendances, comment aujourd'hui les faire communiquer ? De telles évidences paraissent difficiles à faire admettre à certains responsables dans la mesure où ils ne parviennent pas à les séparer d'aspects géo stratégiques qui sont pourtant transparents dans un contexte de développement des technologies de communication.

Certaines sociétés reposent sur des valeurs qui semblent demander une forme de séparation ubiquitaire. Les mettre en contact avec la réalité internationale peut provoquer des séismes. Comment les intégrer sans les dénaturer autrement que par un respect de leurs traditions et une reconnaissance de leur intérêt humain. Sans une attitude d'ouverture, de respect et de tolérance civilisationnelle puisque certains pensent devoir peser une supériorité à ce niveau. Deux individus qu'ils soient issus du centre économique du monde ou d'une latifundia perdue ont la même valeur humaine et peuvent connaître les réalités de la nature humaine avec la même intensité. Ils sont objectivement différents notamment sur le plan culturel mais ils sont tous deux des expressions différentes d'une réalité identique. Un même sang coule dans leurs veines et le quotient intellectuel le plus élevé n'est pas forcément où l'on croit.

Avec Internet et les nouvelles technologies de communication, nous avons un instrument exceptionnel pour créer de la richesse, une nouvelle économie, pardon d'employer à dessein cette expression que certains voudraient enterrer avec les peurs qu'elle a pu leur inspirer.

Or on perd le sens de certaines valeurs simples de solidarité et d'ouverture. Cette apparente porosité à laquelle nous sommes désormais soumis ou dans laquelle nous avons la chance de nous trouver c'est selon les dispositions qui président, nous expose plus qu'elle ne nous protège. Nous avons donc besoin d'une protection mentale, intellectuelle, culturelle, professionnelle. Une forme d'ouverture et une forme d'"abandon" conjugués. Le multiculturalisme demande une bonne connaissance de ce qui fait notre identité, notre rattachement géographique, notre maison, notre socle.

Cela demande des années d'apprentissage et contrairement à ce que croient certains, soucieux de correspondre à l'immédiateté du click and play, cela demande une discipline, un esprit d'analyse, de synthèse et des fonctions critiques. Or où peut naître cet esprit sinon dès le plus jeune age dans le multilinguisme et dans l'éducation.

Les générations qui accèdent aujourd'hui au monde dit actif ont bénéficié de cette approche, mais bien souvent, elles ont été étouffées et n'ont pu accéder aux places de renouvellement de la société parce que la génération qui l'a précédé a maintenu son influence sur une durée exceptionnellement longue de son histoire. Il se peut qu'il n'y ait pas aujourd'hui d'antinomie, mais c'est à cette génération tutélaire de jouer son rôle de transmission. Elle a été au succès mais ne doit pas compromettre celui de celle qui la suit par une rétention d'avantage prolongée des instruments qui permettront d'effectuer la transition dans les meilleures conditions. En particulier l'argent alors qu'on assiste souvent à une paupérisation accrue de nombreux jeunes contraints de réfreindre leurs aspirations et de différer leur date d'entrée dans la vie professionnelle. Le phénomène des adolescents poussés à rester chez leurs parents est parlant. Il illustre une appréhension voire une impossibilité parfois de trouver le point de passage, les points de passage obligés.

Dans une société qui négocie un changement symbolique, nombreux sont ceux qui peuvent se tromper, aller dans des directions handicapantes. Il faut que cette énergie humaine bénéficie d'une plus grande connaissance du terrain, et soit par conséquent tenue informée des modifications en cours. Je ne parle pas uniquement de modifications techniques, je parle de modifications symboliques. Certains médias remplissent ce rôle à merveille et il faut tirer son chapeau à tous ceux qui le font avec honnêteté et foi dans les développements en cours.

Par contre, la gestion de l'actualité souffre de dysfonctionnements. On pourrait écrire des dizaines et des dizaines d'essais sur le sujet mais pour ce qui est en relation avec le thème central de cet article, il est clair qu'on touche actuellement un seuil. La manière dont les informations viennent à nous demande une connaissance des médias et des qualités quasiment professionnelles. Pour comprendre ce qui nous arrive, il faut une grande rigueur, une curiosité exceptionnelle et quand bien même ce serait le cas, cela ne suffit pas. Il faut aussi savoir trier, reconstituer ce qui nous arrive en lambeaux. La reconstitution de ce puzzle est devenu parcellaire et énigmatique.

Bref nous sommes souvent trop ou pas assez informés, rarement nous ne trouvons ce que nous cherchons. Nous assistons impuissants la plupart du temps à tout ce que la planète produit de dysfonctionnements, sans explication, sans code, sans éducation, sans esprit critique, sans implication, même. On brouille les images plus qu'on ne les éclaire et cela provoque entre autres, certains replis identitaires et certaines tentatives de solution par d'autres moyens. La confusion, ou une certaine incompréhension s'étant installée à l'aune de nos plates-formes communicationnelles on s'en remet à autrui.

La télévision à force d'hypnotiser perd de son pouvoir.

Ce n'est pas toujours le cas car il y a heureusement un grand nombre d'émissions de qualité qui privilégient la discussion et une certaine réflexion, une analyse nécessaire, un décodage qui sont bienvenus. Mais pour ce qui est des variables sociologiques et culturelles, les phénomènes ont bel et bien lieu. Une alternative consiste à spécialiser les sources d'information en fonction des besoins. Le développement du câble et des chaînes numériques hertziennes va dans ce sens mais il n'est encore rien face à la convergence avec Internet qui est l'absolu du particulier accessible au plus grand nombre. A tel point qu'on étalonne ces nouvelles sources et ces nouveaux modes par des vocables de plus en plus précis. C'est une chance pour le multiculturalisme car cela évite notamment la prétendue uniformisation que tant redoutent.

Le multiculturalisme nous met à l'abri de cet écueil et reconstruit des savoirs et des expériences pointues et diversifiées qui permettent une densification du tissu professionnel et une explosion des connaissances et de leur prise en compte au plan culturel. Nous allons donc bel et bien vers une société où la culture sera la valeur dominante et où les nouveaux médias seront les vecteurs de cette transformation. Abandonner maintenant serait une ineptie. Contrer les projets qui demandent à voir le jour sous prétexte que des mauvais gestionnaires ont avancé sans réaliser les limites de leurs possibilités financières et le mimétisme en simultané des sites créés notamment pour ce qui était de leur promotion et de leurs méthodes marketing réputées infaillibles, est aussi un non-sens.

Mais les institutions financières semblent échaudées sans se rendre compte qu'elles prennent le problème à l'envers. Une nouvelle génération arrive. Elle a besoin de prendre en compte toutes les données objectivement discernables pour s'assurer d'une réussite à long terme. La sécurisation des données, le respect du caractère privé des données, sauf cas exceptionnels, ou saut symbolique dans la pratique d'une activité, est fondamental. Comme est fondamental le respect du droit à la propriété intellectuelle y compris au plan international. Il est nécessaire de créer par exemple des extensions mondiales des actuelles sociétés d'auteurs. Sinon, nous créerons des sociétés condamnées à l'unicité ce qui va à l'encontre d'une richesse individuelle condition nécessaire de constitution des ensembles plus larges dans lesquels nous seront amenés à vivre. La puissance d'un cadre qui garantit protection, droit à la parole, droits et devoirs de société démocratiques, rejet de la violence morale ou physique. Nous avons une réelle puissance d'intervention face à la violence morale. Exprimons-la.

La nouvelle économie n'est pas morte, au contraire. Ses premiers balbutiements ne font que témoigner de l'ampleur du changement en cours. De la profondeur et de la largeur du phénomène. Elle a été condamnée et rejetée par le click and mortar mais ce n'est reculer que pour mieux sauter car quand les conditions du paiement en ligne seront réunies de façon large, elle se développera très rapidement. Le click and mortar n'en est d'ailleurs qu'une variante solide.

La confusion n'est parfois que la première étape d'un rejet installée par des variables discordantes et une actualité insoutenable au sens étymologique du terme. On s'en remet alors à des gourous ou des religieux pas toujours bien intentionnés. On refuse de baisser les bras et on a raison mais cela n'empêche pas — parfois — de se fourvoyer. Sans ouverture, le repli est asséchant et conduit aux mêmes réponses simplistes que celles de ceux qui ne jurent que par des aspects purifiés — à l'age numérique ! — de la réalité humaine. Cette vision est non seulement dangereuse, mais elle conduit à la violence, à la bêtise, aux situations absurdes et au gâchis.
On cherche des réponses plus personnalisées, plus personnelles qui feraient renaître du sens dans le contexte de reflux du sens qui a été opéré par le post modernisme.
Quand la vie est à ce point méprisée par un terrorisme actif ou niée dans sa permanence par les conséquences indirectes d'un fonctionnement décalé des instruments symboliques dont nous nous servons, des failles ne tardent pas à apparaître au psychologique. Nous devenons vulnérables du fait de cette fragilité installée en nous comme prix des renoncements auxquels nous avons du consentir.

L'ouverture, l'intelligence, la création de formes de contacts critiques et documentés résout au contraire cette forme nouvelle d'indigence. La vraie pauvreté qui serait là. Dans ce dénuement du cœur et de l'esprit. Dans cette incompréhension des perspectives, artificiellement amoindries par une captation à laquelle il faut tout de même réfléchir pour la dépasser et rétablir la circulation du sens dans des corps aujourd'hui anémiés par des pratiques dépersonnalisantes. Il faut réinventer un esprit, une réflexion, un souffle, une analyse adulte, une synthèse comme modus vivendi de toute prolongation durable de la vie, la sienne propre et celle de ceux avec qui ont est en contact. Il faut pour cela être curieux de cette même vie qui peut nous apporter au plus haut point toute l'étendue des richesses dont elle est capable.

Il faut donc être ouverts aux autres et éviter les attitudes intransigeantes de rejet de ce qui fait la qualité de l'autre en tant qu'entité universelle dotée des mêmes potentiels que soi. La vie créée ensuite toutes sortes de discriminations de matière quasi naturelle alors il est inutile de les établir d'une manière artificielle. Cela ne veut pas dire qu'il faille tendre l'autre joue mais si l'on est assuré de sa force ou de sa puissance, alors il faut privilégier le dialogue et l'entente plutôt que de mettre le doigt dans des processus non maîtrisables d'affrontement et éviter ainsi les engrenages.

 Une relation faussée, inauthentique n'augure au mieux qu'un éloignement. Or l'éloignement n'existe plus ou presque aujourd'hui. Il n'est plus la variable morale et philosophique qui pouvait jadis nous prémunir contre les contacts non souhaités. Là aussi s'établit un nouveau type de relation, plus ouvert, avec autrui et un nouveau type d'interaction avec le monde. Il parait néanmoins indispensable de garder à chacun sa dimension intérieure, la part individuelle ou familiale d'angles morts et de zones cachées ou peuvent renaître l'intime et l'intimité. Ceux qui font le choix de l'exposition doivent être respectés pour le parti qu'ils ont pris de vivre cette forme d'intériorité nouvelle qui augure tout simplement d'un saut qualitatif comparable à celui fait par les premiers acteurs de théâtre ou de cinéma, car, c'est sûr, pour ce qui est de la prise en compte morale de ces deux moyens d'expression, les choses ont été dites. D'autres choses sont à dire et à écrire aujourd'hui. Mais il n'empêche en aucun cas que toutes les composantes du désir doivent être préservées quel que soit l'endroit où elles cherchent à s'établir.

Nous construirons une génération, des générations multiculturelles capables de s'écouter et de s'entendre, capable de parler et de dialoguer et de se comprendre quelles que soient les langues utilisées. Il s'agit néanmoins que persistent et se développent les identités de rattachement principal de chaque individu. Un lieu où vivre, sa langue, sa culture, une location géographique stable dans un contexte de rapports nomades que nous n'avons pas le droit de laisser se détériorer. Le reste découle de cette attitude fondatrice.

Or les équilibres humains et économiques doivent être maintenus et progressivement améliorés mais quelle est l'attitude de nos gestionnaires ?  Comment procèdent-il ? Quelle est leur vision, quelles perspectives voient-il ? Ils font des économies, ils cassent, ils déstructurent des régions riches à fort potentiel intellectuel, ils grappillent des bouts de chandelle, ils installent un vide là où il y a de la matière, cassent l'instrument économique pour le livrer clef en main à qui de droit ambiant. Vision malthusienne. Vision étroite et myope qui condamne au centralisme de la commande avant que cette commande ne quitte à son tour les mains, pour ne pas dire les doigts de celui qui l'exerce pour rejoindre un no man's land virtuel où la richesse n'est plus qu'une valeur immatérielle qui ne profite à personne d'autre qu'à la machine qui l'héberge.

Cette anthropophagie, ce cannibalisme dont s'enorgueillissent certains inconscients seulement conscients de courir en avant aboutit au non-sens philosophique absolu. Le nihilisme est substantifique à côté de cette vision qui plus est ne supporte pas la contradiction quand bien même elle se révèle être dans l'erreur et voudrait installer une forme de pensée unique, non discutable, sclérosée et peu soucieuse de diversité. La solution, les solutions sont au contraire dans la diversité, dans les diversités humaines. Dans le respect et la tolérance des autres formes d'approche. Pas dans l'étouffement des arguments qui préfigurent les étapes à venir.

Les moyens de garantir l'avenir des sociétés humaines existent bel et bien et sont sains et indéfiniment prolongeables. Mais on ne fait plus toujours le pari de l'humain qui est pourtant la seule vraie valeur — à terme — en terme de théorie économique. Et dans l'humain on introduit la variable suspicion, traîtrise, défaut, incompétence, méfiance, trahison, faillibilité, fragilité, alors que l'important réside ne serait ce que dans de la confiance à établir et la plus élémentaire politesse à respecter. Car on obtient le meilleur qu'en donnant le meilleur.

Mais s'installent dans les machines des éléments de contrôle, mouchards et autres systèmes de prise de main — et on prend pour cela prétexte de l'inquiétude sourde qui est née des attentats américains pour accentuer encore ce phénomène dont les effets pervers sont pourtant patents et aussi indirectement créée par un type spécifique de fonctionnement des choses en relation close. L'ordinateur, dieu merci, est aujourd'hui doté d'innombrables portes de sortie et d'entrée qui permettent d'établir un type de relation riche et équilibrée, part intégrante d'une journée de travail. Mais ces chevaux de Troie et autres systèmes espions mettent en danger non seulement ceux qui les utilisent mais à terme ceux qui les installent. On peut obtenir une modification des rapports à la machine quand elle est mal utilisée. On se retranche alors dans des mondes toujours plus éloignés des réalités concrètes et cela est parfois valable pour la télévision également. Tout cela provient d'un type de rapport à la machine. Il faut avoir vécu et résolu des équations existentielles avant de s'y laisser absorber. Sinon, on bâtit des types de relations schizoïdes dans lesquelles les protagonistes ne savent plus par quels chemins ils doivent passer afin d'approcher leurs objectifs. Objectifs qui s'imposent à eux comme des éléments obsessionnels que certains ne résolvent que dans la violence, dans la suppression du lien objectivé comme rapport direct — et donc conforme — à la relation homme-machine.

Que devient l'amour, que devient la relation homme femme au temps de la machine intelligente ? Elle-même se réinvente mais elle a besoin d'un maximum d'honnêteté et de subtilité pour exister dans des contextes toujours plus envahissants. L'amour se régénère à travers toutes ses composantes, dans la diversité des avis et des approches effectivement réalisées. Tirer parti des enseignements et surtout des émotions et des sentiments ressentis. Vérité et court circuit vers le cœur sont nécessaires dans un temps d'instrumentalisation. Une plus grande authenticité et des capacités d'entente, d'écoute et d'accueil plus grandes. Et l'abandon, total, des barrières, le contact et la fusion si nécessaire dans un monde où les robots commencent à pulluler, dans un monde d'interfaces. Pas d'interface dans l'humain. Contact direct. Vérité des peaux quelles que soient leurs couleurs.

Il faut réintroduire la confiance, le respect, la capacité de se perfectionner, l'efficacité récompensée en d'autres termes qu'une précarité toujours plus poussée. Dans ces entreprises on hésite à placer et à donner le même salaire à des personnes qui sont pourtant aussi compétentes. Les femmes et les Français "issus de l'immigration" à qui on oppose des fins de non recevoir qui les poussent toujours un peu plus vers la démobilisation, et les zones limitrophes où sévissent de petits recruteurs qui offrent des solutions rapides, religieuses ou délinquantes, qui sont surtout basées sur l'apparence du respect et l'apparence de la prise en compte. Et cela est valable à l'échelle du monde développé. On ne prend pas en compte jusqu'à ce que la répression semble être la seule solution alors qu'elle ne tarde pas elle-même à montrer ses limites.

Les attitudes nécessaires sont ailleurs. Les solutions car il faut se garder de donner une solution unique facile et magnétique à des questions elles qui sont complexes et demandent des mobilisations larges et longues. Les hommes de pouvoir doivent aujourd'hui privilégier l'ouverture sinon la transparence qui peut être un frein au travail serein des équipes dirigeantes au moins durant les périodes critiques. Rendre des comptes parait normal et nécessaire. A terme, ces comptes se feront à intervalles plus rapprochés comme c'est le cas avec les sondages, même s'il faut savoir distinguer une décision argumentée d'une décision pulsionnelle.

Or nous sommes atteints au mental, au moral, au psychologique. A nous de nous construire dans cette ouverture consciente, dans une force et des possibilités concrètes de perfectionnement en sachant que la meilleure posture — ou imposture c'est selon les avis tempérés ou temporels — dans une situation d'affrontement n'est pas forcément l'attitude traditionnelle et généreuse — et forcément légitime — qui consiste à prendre la défense du plus faible, vieille tradition gauloise, mais de se placer across the lines, au milieu, en tant qu'intermédiaire, go-between, middle-man, et médiateur. C'est un peu le rôle à prôner pour chacun, faire dialoguer les parties, les amener à l'entente, à la compréhension et à la coopération mutuelle. Notre diversité, la mixité qui nous compose plaide en faveur d'une plus grande ouverture d'esprit à une heure où tant de petites consciences fragiles se referment. Sachons aller plus loin, voir au-delà des épaules larges ou pas les terrains de la coopération à venir entre toutes les communautés.


Gilles Marchand
Paris, Juillet 2015




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