Reportage exclusif
Un Long Chemin vers la Liberté
...
Par Farid Affejee

Nous publions ici un reportage exclusif réalisé dans des conditions difficiles, par l'un de nos correspondants en Afrique, Farid Affejee, qui a décidé de relater de l'intérieur, le périple à travers l'Afrique de la grande migration que vivent tant de réfugiés, en se mêlant à eux. Parti d'Abidjan, il est passé par Bamako et se trouvait hier à Gao... Il raconte ses observations, les impressions ressenties sur son chemin... Le thé Azawad, les accoutrements rencontrés. Il nous raconte son voyage... Voici son quatrième récit complétant un article original précédent que nous reproduisons. Il relate, en détail, dans les étapes obligées de son voyage, et  pour la première fois, les exactions dont sont victimes les migrants...


Samedi 5 Novembre 2016


De la nécessité sanitaire à l'essensialisation du port du turban (ou Burkini) dans le Sahel: L'exemple de la ville de Gao (Mali)
Les pratiques djihadistes et la dévalorisation du port du turban

Le port du turban dans le Sahel semble apparaître comme une nécessité vitale pour ses habitants qui composent le Sahel. Mais, cette pratique devenue culturelle s'est vu dévalorisée par la propagande djihadiste dont leurs membres font du turban un outil essentiel pour garder l'anonymat de leur personnalité. Force est de savoir que, au delà de cette perception dégradée du port du turban, il apparaît comme un instrument de préservation de la santé publique des adeptes.

De la nécessite sanitaire à la nécessité culturelle

Durant notre voyage effectué entre le 20 et le 26 octobre 2016, de Bamako à Gao, nous avons constaté que la plupart des voyageurs n'ayant pas portés le turban (pour les hommes) ou le Burkini (Pour les femmes) voyaient leur apparence se transformer en celle des orpailleurs. La poussière envahissait leur être et leur tenu vestimentaire. Pourtant, ceux qui portaient des turbans ou des Burkinis avaient conservé leurs apparences physiques et vestimentaires. Le Sahel, a travers son environnement physique et géographique, produit un climat chaud et poussiéreux. Cette observation nous a emmené à comprendre que le turban, ou le Burkini, était un outil essentiel dans la préservation de la santé physique et morale des adeptes dans la mesure ou il réduit les risques de maladies liées à la poussière. Cette pratique du port des turbans s'est enracinée dans les habitus des groupes ethno-culturels locaux tout au long de leur trajectoire historique pour créer par la suite une culturelle vestimentaire encrée dans les habitudes sociales.

Le port du turban comme fonction de distinction sociale dans l'univers culturel de Gao

La démocratisation du port du turban est sans pareille à Gao. Toutes les catégories socio-culturelles s’adonnent a cette pratique. Les turbans et des Burkinis de toutes couleurs harmonisent le décor interactionniste. Le porteur détient une certaine notoriété sociale qui le démarque des autres couches sociales, non porteurs, tels que les migrants et certains commerçants Bambara. Du coup, la façon de porter le turban et la couleur sont le signe d'une appartenance culturelle hiérarchisée. Les Touaregs, les Tamasheqs et les Arabes ont tendance à porter la couleur blanche propre et ils le dispose de façon collectivisée. Pourtant, les autres groupes culturels le portent de façon individualisée et personnifiée. Et cette remarque est beaucoup marqué chez les groupes sociaux investis dans le secteur informel de bas niveau. En d’autres lieux, les talibés (les enfants mendiants) ne font pas partie du corps social porteur du turban parce que délaissée au bon vouloir de la divine providence par leurs parents.

Article 4; Insécurité au nord malien: logiques de coopération des transports clandestins aux dynamiques de violence structurelles composant le trajet Gao - Kallil

Les accords de paix signés entre les acteurs de la crise politico-militaire de 2012 au Mali a généré une philosophie particulière de gestion des corridors. Chaque groupe armée gère son corridor en fonction de sa logique politique ayant été à la base de sa création. A travers ses logiques de reconnaissance, d'autres groupes indépendants se font remarquer par leur méthode particulière de violence sur les clandestins. Face à ces dynamiques de gestion respectives (brutale ou diplomatique), les transporteurs clandestins jouent la carte de la coopération et de l'évitement. Partant du vécu des clandestins et d'une observation participante effectués sur le trajet Gao-Khallil du 30 au 2 Novembre 2016, nous allons mettre en lumière les différents logiques et modes d'action employées par les différents groupes armées du nord leur permettant de bonifier leur portefeuille économique et de marquer leur présence effective dans le Nord du Mali.

Centre de déversement des migrants et recomposition de leur structure de groupement

Aux heures de départ, les différents passeurs réunissent les migrants dans un centre de regroupement situé au nord de la ville de Gao. Ce regroupement recompose l'effectivité des migrants, produisant une coloration arc-en-ciel des nationalités différenciées. Les maliens, sénégalais, gambiens, ivoiriens, libériens, guinéens etc sont tous présents dans le groupe de départ vers Khallil. Au delà de cette recomposition groupale, il est important de savoir que les passeurs mettent en place une stratégie de verrouillage contre les migrants. En d'autres termes, les passeurs exigent des migrants leurs passeports ou leur carte nationale d'identité avant leur intégration dans le ghetto. Au jour de départ, une somme est exigé pour le retrait de la pièce au centre de déversement dont le montant est fixé à 3000 Fcfa pour les étrangers et 2000 Fcfa pour les maliens. Cet droit de paiement fait office de droit de passage du corridor fictif des ripoux, intégrés dans la structure de cette activité clandestine.

En d'autres lieux, le centre de déversement constitue le centre départ des migrants vers d'autres destinations. Deux départs sont programmés en fonction de la demande et du niveau de risques acceptables constitués sur le trajet. En général, tous les départs s'effectuent à midi et dure au maximum trois jours de route.

La typologie des activités informelles construites autour du centre de déversement des migrants

Dans et aux alentours du centre, des activités informelles transforment cet espace en centre commercial. les marchands ambulants déambulent, à la recherche d'une clientèle potentielle. Les produits et outils utiles à la traversée du désert sont proposées aux migrants à tout moment. Des chaussettes, des caches-nez, des gants, des bornées, des pull-overs etc. représentent les articles essentiels et constituent les éléments de protection contre les effets du climat saharien, vu la présence des vents secs. Une minorité s'oriente vers le mode vestimentaire traditionnel des touaregs, le port du turban dans sa dimension totale. Une seule boutique intégré dans le centre alimente les migrants à travers ses articles constitués essentiellement que de biscuits et de sardines. Un restaurant fait à la va-vite structure les dynamiques du goûter et participe à la mise en forme des migrants. Au total, avant son départ, un migrant peut dépenser en moyenne dans ce centre, hormis l'addition du droit de corridor fictif, une somme équivalent à 3000 Fcfa.

Les groupes armés et leur philosophie différenciée de gestion des corridors



Les moyens de locomotion mis à la disposition des migrants dans ce contexte sont des camions spécialisées dans le transport des sables et d'outils de construction. Afin, d'illustrer dans les plus brefs détailles les dynamiques qui ont structuré le parcours des migrants, il serais intéressant d'expliciter les différents moments qui ont rythmés leur trajet.

Récit : Notre camion a démarrée à 12h 45 de Gao. Après 15 km de distance, nous nous faisons arrêter par des coupeurs de route. Deux individus apparemment touaregs se présentent à nous et exigent de nous, une somme de 15.000 Fcfa chacun. Intimidations et menaces sont leur outil de dissuasion. Au final, ils ont emporté une somme inscrit dans l'intervalle de 90000 à ,130000f cfa.

Arrivé dans un village situé à 60km de Gao, nous nous faisons stopper à 17 h par un corridor géré par une fraction du MNLA. Ces derniers demandent aux migrants une somme de 5000 Fcfa chacun comme droit de passage. Comme ,nous étions au nombre de 50 personnes, ils ont exigé la somme de 200.000 Fcfa. Les négociations ont durée un jour. Nous avons été retenu de 17h à 11h du lendemain. Les migrants n’ayant pas participé à la cotisation ont été fouillé systématiquement. D'autres ont été torturés à un degré moindre. Et finalement, nous avons pu rassembler un montant de 190.000 Fcfa.

Les difficultés se sont amoindries dans le reste du trajet. Au delà du corridor de la faction du MNLA, nous avons traversée 3 autres corridors. Parmi ses trois corridors, un seul n'a exigé de l'argent. Arrivé à un corridor de l'armée malienne, nous avons cotisé un montant de 15000 Fcfa acquis par une participation de 15 personnes. Au corridor de Kidal géré par la GATIA aux environs de 19h, nous avons cotisé un montant de 40.000F plus un téléphone portable. Le corridor de Kidal se pressentait comme le dernier corridor avant la ville de Khallil.

A 60km de Khallil, des coupeurs de route s'illustrent de la plus brutale des manières. Un premier coup de feu retentit pour stopper notre véhicule, une quantité de sable est lancée en direction du véhicule afin que tout le monde descende de façon précipité. Notre conducteur reçoit trois pairs de gifles parce qu'il (Selon les assaillants) ne voulait pas obtempérer. Les assaillants regroupent tous les migrants — exceptés les femmes — sous un abri. Le chef des assaillants nous réclame un droit de passage d'un montant de 15000 Fcfa chacun. Après des négociations, il réduit la somme à 10000 Fcfa. Voyant une très faible affluence au niveau des cotisations, il décide de torturer quelques uns d’entre nous. Il emploie la torture classique qui consiste à verser de l'eau dans la bouche et le nez de ses sujets. Trois migrants ont été victime de cette pratique de torture.

Au moment où le chef des assaillants s'occupe de nous, l'un de ses éléments passe le camion aux peignes fins. En général, les migrants ont tendance à cacher leurs ressources économiques à l'intérieur du camion, d'autres par contre décident de le camoufler à l'intérieur de leur gourde. Tous ces stratégies sont connus par les assaillants. Voyant que l'opération torture n'ayant pas d'effet, il décide de réduire le droit de passage à 5000 Fcfa non négociable. C’est à l'issu de cette escalade que bon nombre de migrants se sont acquittés de ce qui est considéré comme les dû des assaillants. Ceux qui ont pu payer la rançon sont invités à monter dans le camion, les autres sont systématiquement fouillés jusqu’à l'os.

Après cette opération et les séries de menace, les assaillants décident de bloquer les pièces des migrants maltraités. Selon eux, ils vont déposer ses différentes pièces auprès des autorités de Khallil, qui sont constitués de passeurs et des éléments de la GATIA.

Khallil, espace d'accueil des migrants

Lorsque nous sommes arrivés à Khallil, des passeurs nous ont de manière obligatoire dirigés vers un autre centre de regroupement. Leur méthode d'orientation est très brutale. Nous avons aucune chance de réflexion face à leur exigence non-diplomatique. Leur intention est d'abord; nous informer du système d’échange de la monnaie (Le CFA face au Dinar algérien), du montant du transport Khallil aux frontières algériennes qui s’élève à 27500 Fcfa et des dispositions de verrouillage aux migrants concernant la saisi de leur pièce et de leur sac de voyage, afin que ses derniers ne s'enfuient pas du camp de regroupement.

A Khallil, il n'y a pas de réseaux téléphoniques. deux téléphones sont affairés aux système de communication géré par les passeurs. A y voir de plus prés, c'est la migration qui fait vivre cette ville. Les dépenses effectuées par les migrants alimentent tout le système économique de Khallil. Les commerces, la restauration etc. sont les composantes du système économique.

Conclusion :

On reste effarés par le fonctionnement cette économie prédatrice qui oppresse les candidats à la liberté en les dépouillant systématiquement de toute chance de progression sauf à se plier à leur exigences particulièrement abusives. Toute une région vit en réalité de cette activité et exploite l’obligation qui est faite d’en passer par ces zones intermédiaires… Il est bon que cette situation et ses dérives soit connue des dirigeants notamment européens afin de la faire évoluer vers une migration mieux encadrée et surtout plus humaine…



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