Mars
2014

L'actualité du Mois

L'Europe est-elle condamnée au surplace ?
Par
Gilles Marchand




Entre le risque d'un retour en arrière par partis extrémistes interposés et l'enferrement dans les difficultés ontologiques sans nom que provoque une vision ultralibérale déconnectée des besoins réels des citoyens, il est — encore — possible de réinventer une Europe à visage humain, plus politique et plus sociale. L'Europe doit
perpétuellement renaître...

DNous avons depuis longtemps maintenant eu l'occasion de voir la pensée agissante de Milton Friedman traduite en actions et les excès de la doxa ultralibérale provoquer des catastrophes à l'échelle de l'Europe. Quand la liberté, vertu cardinale aux yeux de tous, fait peur à ceux qui sont censés la défendre, c'est que la vérité commence à blesser… Nous avons trop longtemps vécu comme des somnambules, déplore Angela Merkel, mais les remèdes imaginés sous l'égide de Nicolas Sarkozy jusqu'ici étaient des bouillons amers si peu effectifs qu'il était nécessaire de sempiternellement recommencer quelques mois plus tard avec la même absence de résultat… Il a fallu que quelqu'un quelque part éclaire la nécessité absolue que l'Europe dispose d'une vraie banque centrale qui joue pleinement son rôle auprès des états en étant prêteur en dernier ressort pour que la crise de l'euro se tarisse. Aujourd'hui, on nous promet des rechutes que l'on se dépêche d'orchestrer en pressant la cour de Karlsruhe de revenir sur cette décision, ce qu'elle ne s'est heureusement pas résolue à faire, dans son immense sagesse, comprenant intuitivement que le sujet était d'une essence trop politique et économique pour être traité avec légèreté. La cour européenne est donc saisie et on espère qu'elle aura une inspiration du même ordre.



Le danger d'une vague populiste existe, mais il se combat avec les armes intellectuelle appropriées. Se souvenir que l'Europe est avant tout un instrument au service de ses citoyens et que les peuples sont en droit de bénéficier du meilleur des institutions qu'ils ont contribué à mettre en place. Répondre, dans ce cadre, aux problématiques qui se posent est indispensable. Créer une offre politique qui est aujourd'hui bien souvent manquante est un des impératifs auxquels sont confrontés tous les décideurs européens. Résoudre les questions qui se posent en leur opposant des solutions opérantes est une des exigences absolues de l'action politique.

Elle est même sa raison d'être.

Il faut  que les partis traditionnels évoluent au point de faire réellement corps avec la population de leurs pays elle même, que la décision voyage à tous les étages de la société, horizontalisant les différences, faisant aboutir les requêtes d'où qu'elles puissent provenir. Un pouvoir politique n'est légitime que s'il est apprécié. Or on ne peut être populaire que si l'on est sincère dans ses volontés d'action et dans sa manière de les faire aboutir. Bien souvent et dans la plupart des pays, l'action politique est considérée comme un métier, une sorte de privilège destiné à servir les intérêts de castes plus ou moins fermées, le clientélisme étant un des éléments contraires aux intérêts réels de l'action démocratique. Quand on s'éloigne du service de ses concitoyens pour se rabattre sur des problématiques qu'il est, certes, nécessaire de traiter mais qui semblent dispenser du reste, on ne tarde pas à se fourvoyer.



Il est grand temps de réinventer l'action politique.

Nous avons trop souffert de la crise, trop été réduits à des reculs et des humiliations insidieuses, pour ne pas demander autre chose. Et là, comme d'habitude le génie humain est illimité, puisqu'il y a toujours possibilité de pire…

C'est justement ce que les partis de droite extrême s'emploient à nous offrir. Un sauve-qui-peut généralisé sous-tendu par des valeurs putrides qui insistent lourdement sur les différencialismes et cherchent des boucs émissaires partout où c'est possible. Une remise en cause des valeurs de civilisations au nom trompetté du contraire. Un chapitre noir de l'histoire des nations que nous avons déjà vécu et que nous n'avons plus les moyens de nous infliger à nouveau aujourd'hui. Nous espérons ardemment que ce qui vient d'être énoncé soit réellement compris. Le danger nous pouvons le créer. Nous avons tous des antécédents familiaux de par l'histoire des peuples, mais nous ne sommes pas condamnés à revivre ce cauchemar. Pas condamnés à subir une logique qui ne manquerait pas de s'installer à terme. Aujourd'hui, l'Union européenne nous offre de traverser un continent apaisé. C'est une merveille apparemment simple qui n'a pas de prix. Ne la remettons pas en cause...

Alors, que nous reste t-il d'autre que l'infini des possibles et l'ordre implicite de ne pas échouer. L'injonction d'éviter de se laisser convaincre par des gens qui ne veulent pas que notre bien, en tant que peuple, par la grossièreté des mesures envisagées, et le tissu d'inepties que représentent leurs soit-disant programmes politiques. Le progrès ne s'est jamais fait au nom d'une idée réductrice de la réalité, or c'est ce que l'on nous propose : un rétrécissement mitral, un renoncement, un repli identitaire, alors que nous sommes tous capables de sortir par le haut de nos situations respectives. Mais pour cela il faut inventer un rapport au politique nouveau. Une compassion, une empathie qui se fasse à tous le stades de la société. Ce que certains appellent le vivre ensemble est en réalité le génie invisible qui traverse la société et permet à la liberté d'y régner. L'adhésion aux formes de pouvoir que peuvent revêtir l'administration de l'espace public. Le respect de la frontière privée, la valorisation du parcours de chacun, l'accès aux services publics réinventé, une véritable colonne vertébrale sociétale, un corpus de règles protectrices et de textes favorable à l'accomplissement de chacun. Cette structure existe déjà à l'état de minerai aurifère pur, sous la forme de la sociale démocratie initiale, mais elle demande un léger dépoussiérage ontologique pour correspondre aux évolutions du monde tel qu'il se présente aujourd'hui avec son aréopage de technologies novatrices. Chaque technologie contient son accident disait Paul Virilio, mais elle contient aussi son mystère, sa dimension cachée, qui la tient dans l'expectative tant que ses qualités propres et bénéfiques ne sont pas démontrées.



Nous avons à réinventer des sociétés démocratiques au temps des réseaux sociaux et d'internet.

C'est avant tout l'étalon Homme qui doit ici comme ailleurs nous fournir l'échelle de travail  dont nous aurons besoin. Sa liberté, les droits auxquels il est en mesure de prétendre, la défense de son intégrité tant morale que physique. L'Europe est à ce titre une terre de tradition et une terre d'évaluation remarquable. Elle propose en réalité et en permanence des évolutions qui vont dans le sens des intérêts des citoyens, d'une manière, hélas, presque furtive, tant la communication européenne est calamiteuse… Cet aspect des choses n'est pas suffisamment rappelé. L'Europe fait beaucoup mais elle ne sait pas "vendre" ses avancées et décisions les plus déterminantes. Elle apparait, aujourd'hui, comme une instance de contrainte vis à vis des états, alors qu'elle est censée être vécue comme une instance de libération, ce qu'elle a légitimement vocation à être. C'est tout l'enjeu de l'enthousiasme que nous devrions avoir, en tant qu'européens, dans le projet qui est censé porter nos couleurs. Nous sommes insuffisamment patriotes d'un continent et de valeurs dont nous ne percevons plus tout à fait les limites et le frontières. Il est urgent que la clarté revienne au sein des esprits des européens. Que s'établisse un nouveau contrat entre les habitants de ces rives et ceux qui sont  supposés les diriger. Le secret est de servir l'intérêt commun, comme la respiration démocratique de chaque instant qu'elle est censée être. Alors nous pourrions éviter ce cauchemar dont peu semblent bien prendre aujourd'hui la mesure et soupeser le conséquences.

Mais si nous ne faisons pas collectivement le nécessaire, demain il sera trop tard !


17 Février 2014

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