5 Déc.
2013

L'actualité du Mois

Mandela day
Par
Gilles Marchand




L'histoire de sa lente progression dans les consciences de son époque est mal connue de certains. Récit d'une expérience personnelle…


Peu de gens savent quelle était l'histoire secrète de Mandela. Sa lente montée en puissance. L'histoire de cette lente transformation dans la chrysalide d'une prison mal connue. Les manifestations du peuple de la Réunion, qui l'a toujours accompagné, à la racine de son combat pour la reconnaissance de l'autre, contre le racisme et l'apartheid. Toute la philosophie du métissage était là pour nourrir une autre vision de la relation humaine. Tous les vendredis devant le consul de l'Afrique du Sud, nous manifestions pour soutenir les résistants de l'ANC. La chanson de Peter Gabriel, consacrée à Stephen Biko que nous écoutions en 1980 a été une guidée, un hymne que nous connaissions par cœur, avec ses chants sud africains et ses lourdes guitares.



    "September 77, Port Elisabeth, weather's fine.
    It business as usuel in police room 649".

Cette chanson disait ce qui allait se passer.

    "You can blow out a candle, but you can never blow out a fire.
    Once the Flame begins to catch, the wind bill blow it higher".



Nous avons suivi ce combat avec ferveur. Presque trop. Mon père qui était de la génération qui avait connu la décolonisation, vécu la guerre d'Algérie, et voyagé en RSA, pour en ramener un livre d'heures extraordinaire, me disait de ralentir. Laissait planer le doute sur Mandela, et pourtant il comprenait lui même intuitivement que cet homme portait l'espoir d'un peuple. Rien ne devait venir entamer notre foi en lui. Miriam Makeba, exilée d'Afrique du Sud depuis 1959, faisait partie de la discographie paternelle, avec toute la musique malgache et les disques qui s'échangeaient sous le manteau.



Ce sont alors les premiers concerts de Johnny Clegg et Savuka à la Réunion. Nous dansions les danses zoulous qui venaient répondre au  Maloya de nos Kabars. Trois concerts de Johnny Clegg ont eu lieu à ce moment là en l'espace de deux ans. Certains professeurs avaient des auto-collants sur leur voiture appelant au boycott des oranges sud africaines. Un concert à la Fête de L’Humanité réunit Max Roach, Eddy Louiss, Salif Keita, Bernard Lubat et Manu Dibango. « J’avais composé un titre spécialement pour cette occasion, se souvient aujourd’hui le saxophoniste d’origine camerounaise. Mandela est un des rares héros provenant de notre continent. Je ne parlerai pas de douleur maintenant, mais de la joie de l’avoir connu et qu’il y ait eu un gars tel que lui. »



Puis il y a eu les concerts européens et mondiaux. Notre génération s'st lancée à corps perdu dans cette lutte. Je n'oublierai jamais les paroles de U2, quand Bono chantait en 1986 dans "Silver and Gold" : "When a man like this is kept in prison, It is a request for economic sanctions against South Africa". Il y a eu "Street Fighting Years" de Simple Minds. "Don't You forget about me" était un hymne. Puis il y a eu la reprise de Biko et l'écriture de cette chanson fantastique "Mandela Day".



    "It was 25 years ago this very day
    Held behind four walls all through night and day
    Still the children know the story of that man
    And i know what's going on right through your land"



Tous les groupes se sont liés, toutes les rock stars, les homme politiques, les syndicalistes, les étudiants. Mitterrand suivait cette situation avec attention. Lang était de tout cœur avec lui et l'a grandement aidé. Concert géant de Wembley en 1988. Pink Floyds. Annie Lennox, The Specials, auteurs en 1984 de "Free Nelson Mandela". Whitney Houston, Sting, Prince, Bob Geldof, Eric Clapton, Stevie Wonder, Joe Cocker, Dire Straits, Eurythmics, Tracy Chapman, Peter Gabriel, Simple Minds, mais aussi Salif Keita, Hugh Masekela. C'est aussi La Chanson de Bernard Lavilliers. Noir et Blanc.

    C´est la voix de Mandela
    Le tempo docteur Fela
    Ecoute chanter la foule
    Avec les mots qui roulent et font battre son cœur.
    De n´importe quel pays, de n´importe quelle couleur.
    La musique est un cri qui vient de l´intérieur

L'Album hommage de Youssou N'Dour en wolof scèlle la reconnaissance africaine du phénomène. En 1989, une année extraordinaire. Les totalitarismes s'effondraient les uns après les autres. La stratégie française pour la démocratie en Afrique a été payante, même si ailleurs elle a donné des résultats mitigés.



En Afrique du Sud, elle a indirectement débouché sur la libération de Mandela qui en février 1990, entrait dans  l'Histoire en sortant de prison, par son attitude quasi-incompréhensible, géniale, qui consistait à pardonner, à refuser d'être une victime, à se mettre à la place de ses bourreaux sans pour autant verser dans la violence. Il a su à la force de ses convictions et de son caractère, de son sourire extraordinaire, rallier avec lui tous ceux qui menaçaient hier de s'affronter. Il a été confronté à une situation comparable à l'Algérie, sauf qu'il a libéré ce peuple sans violence ou presque.



Nous avons mis toutes nos forces dans cette croyance, dans la foi en cet arc en ciel qui s'arquait dans le ciel de Prétoria. Nous avons sillonné ces villes. Durban, Johannesbourg, Le Cap. Je me présente devant vous non pas en tant que prophète, mais comme votre humble serviteur. " Il y a gagne une dimension inouïe, devient le fer de lance de la renaissance africaine… Il y met la non violence et la tolérance.



Son combat contre le Sida est exemplaire. Sa vision pour la coupe du monde de rugby et celle de football en 2010 étaient véritablement inspirées. Les chanteurs du monde entier venaient en cortège fêter son anniversaire. L'immense Stevie Wonder et son "Happy Birthday" magnifique à New York. "Master Blaster" et "Hotter than July" restent des repères. La musique a bel et bien joué un rôle fondamental dans cette épopée. "Give me Hope Johanna" d'Eddy Grant est un bel exemple… Une société non raciale était le projet de ce visionnaire. "Une personne une voix." il n'y a qu'à aller sur le site de 46664 pour se convaincre de l'importance culturelle de Madiba.



Son bilan est immense. Un bilan de paix pour son pays et un homme qui est devenu un des principaux symboles de la renaissance africaine. Il a mis le continent sur les rails du développement et mis l'accent sur le besoin de réconciliation. Il est une des figures marquantes du vingtième siècle et un des géant absolus de la scène mondiale. Pour cela il sera reconnu et remémoré. Mais il sera pleuré aussi par d'autres pour l'humanité et la gentillesse incroyable dont il a toujours su faire preuve.



Ce soir, nous avons perdu un ami...


5 Décembre 2013

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