Juillet
2017

L'actualité du Mois



Habeas Corpus Mondial
Par
Gilles Marchand


Les Flots de réfugiés qui se déversent sur les grèves de l’Europe posent bien plus que le problème de l’accueil : ils questionnent notre humanité et capacité à résoudre les nombreuses crises qui nous viennent.

Nous sommes tous les témoins à quelque niveau que ce soit d’un phénomène qui vient se réverbérer dans nos journaux, nos radios, nos télévisions. Les drames qui ont lieu quotidiennement en Méditerranée avec la noyade à grande échelle de milliers de migrants accumulés au fil des mois ont débouché sur des situation intenables. Notre traitement de l’information passe souvent ces « nouvelles » par pertes et profits, ce qui est une expression affreuse quand on parle d’êtres humains amenés à jeter leurs dernières forces dans un périple hallucinant qui leur fait traverser des déserts arides où nombre d’entre eux périssent, comme au Tchad ou au Niger. Bon nombre de ces migrants sont rançonnés à de très nombreuses reprises par des bandits de grand chemin qui leur extorque leur modeste pécule. Une autre partie finit dans des geôles, des cachots, sont réduits en esclavage, exploités, contraints de s’embarquer sur des embarcations fragiles, des zodiacs ou des barques instables surchargées par des passeurs qui exploitent ces situations jusqu’à aller les saborder eux mêmes.

Nous sommes clairement face à une situation abominable. Mais les raisons en sont nombreuses et complexes, ce qui fait que nous paraissons parfois manquer des outils intellectuels appropriés pour la résoudre. Or, sans le savoir souvent, nous sommes encore les maitres de ces problématiques. Il en va de notre responsabilité de questionner nos possibilités réelles. L’Europe va vers des problèmes encore plus graves qu’elle a tout intérêt à résoudre en amont de leur complète et totale métabolisation. Prévenir ces urgences semble complexe mais cette résolution aura une incidence essentielle sur les équilibres mondiaux et la paix à long terme sur le continent. Il s’agit de ré-interroger notre humanité et de faire appel à notre imagination d’une manière nouvelle. La première est de constater que nous sommes  une société extrêmement riche et chanceuse y compris quant on en vient à se questionner sur ses perspectives climatiques. Nous avons connu la guerre. Nous avons connu le drame des réfugiés en Europe. Des drames spectaculaires qui devraient aujourd’hui encore nous rendre méditatifs et prudents quand il s’agit de vie humaine. Il s’agit ni plus ni moins de retrouver le sens de notre humanité. De considérer que nous avons affaire à des gens qui ne sont pas nos concitoyens, mais qui font partie d’une communauté à laquelle nous sommes nous aussi rattachés, les différentes parties du monde, où chacun s’organise sous la férule de principes qui doivent être communs à toute l’humanité. Nous savons à ce titre un devoir d’assistance comme dans les conventions de Genève au lendemain de la seconde guerre mondiale. Nous ne sommes pas censés abdiquer notre prospérité, mais au contraire la préserver. Se montrer conscients de ces problématiques est une nécessité ontologique stricte. Sinon, nous irons à terme — doux euphémisme — vers des situations insolubles. Cette prise en compte humaine de tous doit être conditionnée à des négociations juridiques dans le monde entier et en particulier à l’ONU lieu naturel de leur mise en œuvre à venir. Il s’agit d’abord et avant tout de renforcer des institutions que les aléas actuels de la politique internationales, et en particulier aux Etats Unis fragilisent. Nous devons revendiquer et obtenir la création d’un Habeas Corpus Mondial, comme dans le droit anglais, qui en 1679, grâce à sa Carta Magna et sa Bill of Rights a établit les ferments d’un respect légal de la personne humaine et d’une protection de la liberté individuelle. Nous devrons alors tirer les conséquences de cette nécessaire perspective législative afin de garantir aux individus une protection mondiale dans le cadre des Droits de l’Homme. Nous avons l’impérieuse obligation d’adapter le droit international aux réalités d’aujourd’hui.



L’Europe se protégera si elle sait anticiper les avancées prévisibles des contextes géostratégiques à venir. Mais elle doit le faire au nom de ses valeurs et de l’indispensable solidarité intra européenne qui doit enfin jouer. Nous devons accueillir des populations qui sont en danger direct de mort, quelque soir la raison qui a abouti à leur décision de quitter leur pays d’origine, guerre, conflits politiques, famines, crises écologiques et environnementales graves. On ne se résout pas à des gestes aussi dangereux et graves sans raison sérieuse et absolue. Ces populations représentent une fraction très réduite de la population du continent. Un infime pourcentage. Mais nous avons pris l’habitude intellectuelle de parfois accréditer des idées frelatées qui corrompent l’espace public médiatique, le populisme le plus abject comme le nationalisme borné qui ne comprend pas le danger qu’il court à vouloir se retrancher du monde dans un repli identitaire dangereux. Le déni de réalité est le chemin le plus court vers l’aggravation des problèmes. Or, beaucoup d’entre nous refusent de voir les choses en face. Refusent de comprendre qu’une attitude sectaire, idéologiquement cadenassée, est en définitive contre-productive. Bien sûr, la répartition de ceux qui resteront est une question qui se pose. Mais vouloir imposer un monde fermé à des générations qui sont nées sur des principes d’ouverture est une aberration.

L’adoption du principe de l’accueil, humain, ordonné, encadré, est le premier des gestes à effectuer. Il doit permettre d’éviter les drames que nous avons trop connus et de rendre à tous la dignité qu’ils avaient perdu, nous compris, car une part importante de notre âme et conscience s’en est trouvée malmenée, questionnée. Des zones de repos doivent être construites ou aménagées pour garantir l’accueil. des cours de langues doivent être donnés avec des traducteurs qui prépareront l’avenir par ce biais. Des conseils donnés en toutes matières. Il faudra ensuite refuser de discriminer les arrivants au nom des raisons qui les poussent à partir.

Il n’y aura pas d’appel d’air si nous savons assortir ces politiques de volets migratoires, c’est à dire penser une véritable politique migratoire après une nécessaire concertation africano-européenne, et internationale, ainsi que d’aides au développement adaptées. Il faudra, d’ailleurs, questionner cette notion d’aides au développement. D’abord elles régressent, budgétairement parlant, et surtout les pays bénéficiaires ne sont plus convaincus aujourd’hui de leur nécessité, ni pertinence. Il serait beaucoup plus judicieux d’imaginer des politiques inclusives qui permettent le décollage véritable des pays concernés afin que leurs populations aient la possibilité matérielle de vivre sur place. Le droit au retour des déplacés doit être un droit humain comme dit Jean Marie Le Clézio. De véritables partenariats doivent être scellés sur une meilleure base d’égalité. Chacun y trouvera son compte et cette sincérité retrouvée permettra de pérenniser sur le très long terme des relations aujourd’hui fragilisées par une arrogance qui a longtemps été la règle et a failli épuiser la patience des meilleurs leaders africains, notamment. L’Européen du XXIe siècle à l’étranger doit être un homme ouvert, intelligent, cultivé, organisé et un bon partenaire industriel et commercial potentiel. Il doit préparer le terrain, et faciliter les accords d’échanges sur tous les plans. Et faciliter le rayonnement d’un continent qui a tout à gagner de trouver un meilleur positionnement dans la mondialisation. Cette identité proactive doit permettre à l’Europe de sortir de la mauvaise conscience actuelle. Lui permettre de s’inscrire pleinement dans un monde qui demande une pacification des relations et une présence elle-même pleinement accueillie et revendiquée par tous pour le bien de tous. La bienveillance n’est pas uniquement un principe de marketing ou de management. C’est une valeur montante de la politique internationale. L’image d’un pays dépend grandement de ses représentants, de ses chefs d’état en particulier, mais nous sommes tous les ambassadeurs de notre continent. A ce titre nous avons la responsabilité de traiter d’égal à égal avec les individus que nous rencontrerons sans pour cela tomber dans une naïveté de mauvais aloi.



Une fois que nous aurons activé une véritable politique migratoire comme celle qu’a, par exemple, produit le Canada, basée sur les possibilités réelles du pays et ses besoins socio-professionnels. Nous aurons alors établis les germes d’une meilleure prise en compte de ceux qui souhaitent rejoindre notre continent, garantissant une citoyenneté plus heureuse et mieux intégrée, une paix civile à long terme pour un coût infiniment inférieur aux risques que feraient courir une attitude intransigeante en matière de flux humains. Nous éviterons des guerres. Nous alimenteront ces populations, notamment en eau, au nord de l’Afrique par exemple, grâce à nos savoir faire essentiels en la matière. Le génie humain irriguera toutes les sphères géographiques, et remplacera une économie basée sur les énergies fossiles par un régime énergétique nouveau basé sur la décarbonisation de l’économie et la préservation des matières premières disponibles. Une avancée décisive qui permettra d’imaginer des réponses à d’autres problématiques connexes, comme celle de la pollution des océans et de la préservation des ressources halieutiques. Il nous faut imaginer l’avénement d’un nouvel ordre symbolique, qui grandira à tous prospérité et santé, confort et sécurité, ainsi qu’une terre de rattachement dans un monde en paix pour longtemps. Tout autre chemin parait dangereux tant les risques qui s’accumulent grandiraient. Imaginer un futur idéal, c’est se donner les moyens d’un optimisme de raison, seul à même de garantir de l’espace et du temps à long terme pour tous et pour chacun.

C’est notre avenir commun dont il s’agit. Celui de notre continent et de son rapport au monde. Et les bienfaits les plus importants seront peut être ceux qui ne se verront pas !


4 Juillet 2017

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