Le FMI lance un vaste plan d'aide en faveur des pays les plus pauvres

Par Alain Faujas (avec AFP)




Octroi de 17 milliards de dollars (12 milliards d'euros) de prêts supplémentaires d'ici à 2014, dont 8 milliards dans les deux prochaines années, suspension du paiement des intérêts des prêts en cours jusqu'en 2011, doublement des plafonds d'emprunt, assouplissement des conditions de prêt, création de nouvelles formules de crédit rapides et peu onéreuses, émission de 18 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) : les 80 pays les plus pauvres de la planète - dont les deux tiers sont africains - seront les grands bénéficiaires de ce spectaculaire train de mesures adopté par le conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) et publié mercredi 29 juillet.

Dominique Strauss-Kahn, directeur général de l'institution, a déclaré que cet effort "sans précédent dans l'histoire du FMI" devrait "permettre à des millions de personnes d'échapper à la pauvreté".

Cette petite révolution a germé en mars, à Dar es-Salaam (Tanzanie), où le FMI avait convié ministres des finances et banquiers centraux de toute l'Afrique pour faire le point sur les effets de la crise mondiale.

Il y fut constaté que non seulement les pays pauvres n'avaient pas les moyens de relancer leur économie comme le faisaient les pays industrialisés, mais aussi que le tsunami financier et la récession provoqués par les folies financières de ceux-ci tarissaient inexorablement les investissements, les recettes d'exportation de matières premières et les envois d'argent des travailleurs émigrés dans les pays en développement.

Une étude du FMI avait chiffré à 25 milliards de dollars les besoins de 22 pays pauvres pour éviter que leurs réserves financières basculent sous la limite fatidique des trois mois d'importations. Un scénario encore plus noir portait le niveau du risque à 138 milliards de dollars pour 48 pays.
A Londres, le 2 avril, le G20 faisait sienne cette alarme et prescrivait au FMI de se porter au secours des économies les plus fragiles par des prêts plus nombreux, plus faciles et moins chers. C'est ce programme que le Fonds est parvenu à élaborer en quatre mois, mais non sans palabres.
Il a fallu surmonter deux sortes de réticences chez les 24 membres du conseil d'administration. La première venait du camp libéral, qui estime que le FMI doit s'occuper exclusivement de la stabilité monétaire et des taux de change et laisser à la Banque mondiale le soin de secourir les pays pauvres. La seconde se fondait sur la crainte de mettre à mal les finances du FMI.

Si les mesures arrêtées sont sans rapport avec les centaines de milliards de dollars injectés par les pays riches dans leur système financier ou dans leurs économies, elles viennent à point nommé. En effet, le rythme des demandes de prêts des pays pauvres s'accélère, signe que leur situation se dégrade. "Au cours des trois dernières années, explique Dominique Strauss-Kahn, nous leur avions attribué environ 3 milliards de dollars. C'est la somme que nous avons débloquée depuis le début de cette année."

Trouver 17 milliards de dollars de prêts supplémentaires d'ici à 2014, dont 8 milliards dans les deux ans, ne posait pas de problème puisqu'ils seront remboursés et que, par exemple, le Japon, le Canada ou la Norvège ont ouvert au FMI des lignes de crédit suffisantes pour cela.
En revanche, il était onéreux de dispenser les pays pauvres de payer les intérêts de leurs prêts (0,5 % en général) jusqu'en 2011. La plus-value de la vente (6 milliards de dollars estimés) de 403,3 tonnes du stock d'or du FMI, qui s'étalera sur trois ou quatre ans à partir de l'automne, autorisera cet effort.

Celui-ci n'est pas seulement quantitatif. En effet, le Fonds a réformé en profondeur ce que son directeur général appelle "notre boîte à outils", c'est-à-dire la panoplie de ses moyens d'intervention.

On lui reprochait à juste titre d'imposer un même traitement aux pays émergents et aux pays les moins avancés, que leur crise de change soit d'origine exogène ou domestique. Désormais, au prêt classique dit "facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance", s'ajouteront un prêt de précaution stand-by, payable uniquement en cas d'utilisation, et un prêt d'urgence dit "rapide" en cas de choc exogène, attribué presque sans conditions.

Non content de doubler le plafond de ses prêts, le FMI a décidé de ne plus imposer des objectifs de réformes, de politique monétaire et d'inflation aussi rigoureux que par le passé.

Ajoutées aux 18 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux qui profiteront aux pays les moins avancés, dans le cadre d'une émission totale de 250 milliards par le Fonds, ces mesures seront-elles suffisantes pour épargner le pire aux pays pauvres ? "Notre dispositif est à la hauteur de l'enjeu et même un peu surdimensionné, répond Dominique Strauss-Kahn, mais c'est préférable : le deuxième semestre 2009 va être mauvais dans le monde entier et la crise peut encore s'aggraver."

"C'est un grand pas, même s'il a fallu du temps pour en arriver là", commente Mark Weisbrot, du Center for Economic and Policy Research. Il considère toutefois le montant comme "véritablement minuscule comparé aux centaines de milliards de dollars obtenues pour sauver les banques d'Europe de l'Est".

L'Afrique concentre la moitié des pays bénéficiant de l'aide du FMI, mais seulement une part minoritaire de l'encours de ses prêts (11 % au 30 avril). Les 17 milliards de dollars mis à disposition des pays pauvres, contre 1 milliard prêté en moyenne par an entre 2006 et 2008, et 3 milliards depuis le début de l'année, représentent une faible part des ressources disponibles pour le prêt du FMI. A elle seule, l'Ukraine a presque obtenu la même somme (16,4 milliards) en novembre 2008, dans le cadre d'un prêt sur deux ans.
"Tout compte", juge pour sa part Edwin Truman, économiste spécialiste du FMI, qui a conseillé le Trésor américain avant le sommet des pays riches et émergents du G20 à Londres en avril. "Le FMI n'est pas là que pour la stabilité économique et financière mondiale, il est aussi là pour la stabilité de tous ses Etats membres", avance-t-il.

"Prêter aux pays pauvres n'est pas le métier du FMI", lui rétorque Adam Lerrick, professeur d'économie et expert à l'American Enterprise Institute, un cercle de réflexion conservateur de Washington, mais "celui de la Banque mondiale et des banques régionales de développement. Il veut gagner en popularité. Et il veut, comme toute organisation, étendre ses activités. C'est politiquement efficace et financièrement peu coûteux."

Alain Faujas (avec AFP)

Octobre 2008


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