Le Grand Paris, mode d'emploi

Par Sibylle Vincendon


La métropole a élu vendredi son premier président, Patrick Ollier (LR), maire de Rueil-Malmaison. Il lui reste à inventer quelque chose pour cet ensemble de 7 millions d'habitants qui produit 23% de la richesse nationale. Bonne chance.


Nous y voici. Après une dizaine d’années de palabres, la métropole du Grand Paris, juridiquement créée le 1er janvier, a procédé ce vendredi 22 à son acte fondateur : l’élection de son président. C'est le député et maire LR de Rueil-Malmaison, Patrick Ollier, qui l’emporte.

Regroupant 131 communes, dont Paris, la métropole «s’inscrit dans la courte liste des grands centres de commandement mondiaux». C’est dire si l’institutionnalisation de ce moteur à croissance a tout pour être un événement historique. Pourtant, ce que l’on entend le plus souvent à son sujet se résume à trois réflexions : «C’est quoi ?», «ça sert à quoi ?» et, pour les plus informés, «de toute façon, la métropole ne pourra rien faire parce qu’elle n’a pas d’argent». Faisons le point.

La métropole du Grand Paris, c’est quoi ?

D’abord une réalité physique. Vue du ciel, la métropole est la zone centrale de la région «qui a pour légitimité la continuité du bâti», résume Eric Azière, président du groupe UDI-Modem au conseil de Paris. Il ajoute : «Si la région était la bonne échelle, ça se saurait depuis longtemps.» Il ne manque pourtant pas de «régionalistes» comme Jean-Paul Huchon ou Valérie Pécresse, qui pensent exactement le contraire. Pour eux, la métropole, c’est la région. D’où l’appel de Valérie Pécresse, à peine élue présidente de l’Ile-de-France, à supprimer la métropole du Grand Paris (la structure administrative bien sûr…).

Qu’en penser ?

Le débat sur le bon périmètre du Grand Paris n’est pas près d’être clos. Toutes les cartes montrent une zone agglomérée dont la concentration d’habitants, d’emplois ou de sièges sociaux par exemple est supérieure à ce qu’on trouve dans les vertes campagnes de la grande couronne. Mais, mais, mais… dans ces verdures des confins régionaux, on trouve le plateau de Saclay (91, pôle de recherche et d’innovation de rang mondial), la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle (93, 77 et 95, plus forte créations d’emplois de la région) et les villes nouvelles.



Résultat des courses : Paris + les communes des trois départements 92, 93 et 94 + Argenteuil (95) + six communes du nord-Essonne = la métropole du Grand Paris.

A quoi ça sert ?

- A corriger les inégalités entre les communes. Le potentiel financier par habitant, savant calcul qui permet de comparer les villes, va de 778 euros à Clichy-sous-Bois (93) contre 4 164 à Puteaux (92). La métropole doit contribuer à un rééquilibrage en récoltant la fiscalité des entreprises et en la redistribuant.

- A mener une politique de l’habitat, autrement dit à orienter in fine la construction de logements. Avec un plan métropolitain pour l’habitat et l’hébergement qui s’imposera aux plans locaux d’urbanisme.

- A protéger l’environnement et la qualité de l’air vu que la pollution, même si elle est très concentrée sur Paris, ne connaît pas les limites communales.

La métropole ne disposera pas d’une grosse cagnotte pour corriger les inégalités : probablement 70 millions d’euros la première année, à peine le budget de Sevran. Elle doit commencer par créer un fonds d’investissement. Mais surtout, elle a deux ans pour définir «l’intérêt métropolitain». Cette notion doit permettre de trier les actions qui dépendent du local et celles qui concernent la métropole.

La métropole pourra-t-elle agir alors qu’elle a si peu d’argent ?



Les parlementaires qui l’ont créée par la loi Maptam en 2013 ont bien travaillé pour lui vider les poches. Elle récolte un gros paquet d’argent, sans doute 3,770 milliards d’euros de fiscalité des entreprises, mais elle en reverse 3,7 milliards aux communes. Les territoires les plus dotés, dont Paris et les Hauts-de-Seine, n’étaient pas pressés de lui confier le nerf de la guerre. L’Ile-de-France produit un tiers du PIB national et l’on peut estimer à 75% la part de cette richesse générée dans la métropole. Côté gouvernement, on préférerait démarrer avec une métropole pauvre plutôt que de tout bloquer et de ne rien créer du tout.

Faut-il y croire ?

- Oui. Dans une région où, à quelques rares exceptions près, on ignorait l’intercommunalité et on cultivait les égoïsmes locaux, la création de la métropole a entraîné une révolution. Pour faire face au poids de la nouvelle structure, les communes des départements de la grande couronne ont été obligées de se regrouper dans des ensembles d’environ 350 000 habitants qui portent des noms évocateurs (Entre-Seine-et-Forêt, Deux-Fleuves…). Fini la mosaïque bizarre de petits groupements où régnait l’esprit de clocher. Dans la métropole elle-même, les communes ont été regroupées en 12 territoires, nommés T1, T2, T3, etc. Là encore, les mariages n’étaient pas l’habitude.



- Non. La politique à la papa a repris le dessus. Là où l’on aurait pu rêver d’une métropole de projet, on se retrouve avec la routine de la distribution des places. Les conseillers métropolitains ont été désignés par les communes. Mais la désignation du candidat LR à la présidence a été l’objet d’un marchandage à l’ancienne entre Nathalie Kosciusko-Morizet, la présidente du groupe LR au conseil de Paris, et Patrick Ollier, maire de Rueil-Malmaison, qui sera sans doute élu ce vendredi à la présidence. NKM voulait trois vice-présidences pour l’opposition parisienne. Inacceptable pour la maire de Paris Anne Hidalgo, qui a sonné la fin de la récré. Elle sera première vice-présidente chargée de l’international et a concédé une vice-présidence à un obscur adjoint au maire LR du XVe arrondissement. Comble de la déprime, Patrick Ollier a entrepris de promettre aussi des postes de «conseillers délégués» et même d’en créer un de questeur. Le genre de sucettes que Delanoë avait supprimé dès son arrivée à la mairie de Paris.

- Mais… A partir de 2020, le conseil métropolitain sera élu au suffrage universel direct. Si la droite gagne la présidentielle et les législative en 2017, la pression sera forte pour obtenir le démantèlement de la métropole du Grand Paris. On peut compter sur les titulaires des postes pour les défendre bec et ongles. La politique à la papa a parfois du bon.


4 Février 2016

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