Soutien budgétaire: pourquoi Draghi a raison... et pas Merkel
Par Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, un soutien budgétaire européen devient impératif.

A Jackson Hole, le 22 août dernier, Mario Draghi brise un tabou lorsqu'il affirme que la politique monétaire ne peut pas à elle seule contrecarrer la dépression européenne et qu'elle a besoin de l'appui des politiques budgétaires.



Il bouscule ainsi le confortable compromis dans lequel s'étaient installées les autorités européennes.

D'un côté, les Etats auraient pour mission de mener à bien les réformes structurelles et l'assainissement budgétaire nécessaire au rétablissement de leur offre. De l'autre, la BCE interviendrait sur le front de la demande, en impulsant le crédit aux entreprises comme antidote de l'impact récessif des politiques d'ajustement.



L'enjeu de la coordination européenne résiderait alors tout entier dans ce que l'on appelle le policy-mix, la politique budgétaire appuyant sur le frein, la politique monétaire sur l'accélérateur, pour un résultat neutre sur la croissance au final. Autrement dit, dans ce jeu de rôle, l'épineuse question de la coordination se résumerait à celle des instruments de politique économique.

Deux points bloquent la BCE

La rechute de l'activité européenne douche maintenant les espoirs de ceux qui pensaient pouvoir faire l'impasse sur la coordination des politiques nationales et révèle les limites du partage des rôles entre les Etats d'un côté et la banque centrale de l'autre. La BCE bute en effet sur deux écueils.



Premièrement, le trou d'air de l'activité est bel et bien là et le quantative easing annoncé à grand renfort médiatique, en juin est encore dans les limbes. Le bilan de la BCE n'en porte toujours pas la trace et lorsque l'on connaît les délais qui séparent les impulsions et leurs résultats tangibles sur l'économie réelle, l'inflexion politique de la BCE est arrivée bien tardivement.

Deuxièmement, réanimer le crédit dans un contexte de retournement des anticipations de demande est mission quasi-impossible. La Banque du Japon s'y est essayée pendant des années sans succès par le passé. Or, tout porte à croire que la léthargie du crédit aux entreprises en Europe est dûe d'abord à la faiblesse des projets d'investissement et non l'inverse. Difficile de susciter dans ce contexte un changement de comportement des entreprises, quand les carnets de commande se dégarnissent.



Inverser le cours des choses

Alors certes, la BCE a réussi à faire glisser la valeur de l'euro et à doper la valeur des actifs financiers, mais il en faudrait plus bien pour inverser le cours des choses et alors même que L'Allemagne, la France et l'Italie, soit les deux tiers du PIB européen, flirtent avec la récession, ou y sont déjà retombés.



Mario Draghi en a pris acte logiquement. Les politiques budgétaires de la zone euro prélèvent encore plus d'un demi-point de PIB par an pour parvenir à leurs objectifs de consolidation. La rigueur peut sembler dosée, toutes choses égales par ailleurs. Mais un demi-point lorsque la croissance est à zéro, constitue une ponction extrêmement déstabilisatrice. Et pour qu'une partie de l'Europe maintienne son effort de consolidation, il n'existe aucune autre issue qu'un relâchement de la discipline allemande. La balle est clairement dans le camp allemand maintenant.



12 Septembre 2014

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