Mais si, l'Europe peut être réinventée
Par LUDOVIC PAUCHANT, Le Point


L'Europe, avec ses dettes, sa confusion diplomatique, son traité aux forceps ? Mais non, derrière les bruits, des idées...

"L'Europe est un grand corps malade, à court d'idées et de rénovations" : Pégase est de ceux qui ont perdu leur rêve d'Europe. Une Europe "malade de n'être qu'un continent sans État, malade de n'être qu'un vaste espace monétaire, malade de n'être qu'un appareil technocratique lourd, onéreux et inefficace qui tourne en électron libre dans une désorganisation totale" (Sparte). Pourtant, l'espoir résiste, s'exprime régulièrement dans les débats et se décline en rêves politiques, économiques, stratégiques. Vos préconisations pour que cette Europe renaisse tel le phénix sont nombreuses.



Un objectif d'union sur un modèle fédéral

Dans vos commentaires, il semble que vous aspiriez à une Europe des nations, fédérées autour d'un pouvoir exécutif fort. Vous déplorez à l'unisson l'incapacité actuelle de l'Union à définir des axes d'avenir politiquement clairs. Voilà pourquoi il faudrait créer de nouvelles structures institutionnelles, au service d'une force politique qu'incarnerait un représentant des peuples européens. La première des solutions, pour sortir du flou et des impasses, est bien la mise en place d'un pouvoir exécutif fort : "On a voulu faire l'Europe des marchands avant de faire une Europe politique, ce qui fait qu'aujourd'hui elle n'existe pas", déplore Rastignac, parmi d'autres.

L'Europe des 27 serait une entité disparate qui n'aurait pas de gouvernance cohérente, contrairement aux USA. "Nous avons tous des siècles d'histoire derrière nous, et nous avons tous pris des habitudes de vieux garçons. Personne ne croit plus au Saint-Empire romain germanique. Les États-Unis ont existé, car ils partaient d'une table rase, s'exprimaient dans la même langue et avaient une grande idée : faire une nation. Alors, l'Europe, pourquoi pas ?" (François)



L'Europe devrait donc "se doter d'un chef de gouvernement et d'une équipe gouvernementale pour mener une politique efficace au nom des 27" (Txominsago).

La tâche se révèle difficile : "L'Europe ne pourra se faire sans les peuples" (V), mais, "telle qu'elle est, elle ressemble à une addition d'égoïsmes nationaux" (Rastignac).

Comment, alors, les peuples délégueraient-ils leur souveraineté, à laquelle ils sont tant attachés ? Par l'élection, propose Fuxeen : "Un exécutif plus dynamique, avec un chef issu du suffrage universel internation." Un maître du jeu, en quelque sorte : "L'Europe ne pourra tirer son épingle du jeu que si elle joue collectif ; sur ce point, les propositions d'un certain nombre de leaders pro-européens vont dans la même direction (DSK, J.-C. Juncker...). Malheureusement, face à ces difficultés, les populations européennes, incitées par certains leaders plus ou moins populistes, ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Pourtant, l'histoire nous a appris que c'est toujours la pire des solutions" (Girondin). Sur ce point, observons néanmoins qu'aucun consensus ne se dégage des commentaires.

Sparte le confirme, sur le plan économique cette fois : "Il manque cruellement à l'Union européenne d'être unie, unie dans des dispositions harmonisant la fiscalité, et les règles économiques."



L'union économique pour bien se placer dans la compétition mondiale

Selon vous, la réflexion sur l'Europe doit s'inscrire dans le contexte d'une économie mondialisée : devant des puissances émergentes comme la Chine, l'Europe devrait être un partenaire économique de premier plan. Alboran, comme d'autres commentateurs, ne se berce pas d'illusions. Miser sur l'Europe n'est plus un choix, c'est une nécessité pour exister économiquement : "L'Europe est un jeune mammouth, qui doit grandir et se défendre contre ses prédateurs. Les rêveries de certains sombrant dans le passéisme ne sont plus d'actualité." "Sans l'Union européenne, la France serait un pays de seconde zone sur le plan mondial. Cela fait une éternité que la Chine ne négocie plus qu'avec l'UE en matière économique et commerciale et reçoit les représentants de la France au niveau de son rang : un pays de taille moyenne en Europe. Arrêtez de rêver, si l'UE devait exploser, la France serait emportée dans la tourmente" (Gaston). C'est un point de vue fortement dominant dans les commentaires.

L'union ferait... la force : "L'Europe a besoin de cette force pour relever les grands défis d'aujourd'hui et de demain, pour exister et résister, face aux deux géants et maîtres du monde : les États-Unis et la Chine", insiste Sparte.



Une des clefs de la réussite économique, dont vous parlez abondamment, serait la rationalisation de la politique fiscale. Vous avancez des propositions : "Les pays qui font confiance dans leurs citoyens pour bien dépenser les sous qu'ils gagnent taxent moins : l'Europe est une zone qui taxe beaucoup, ce qui diminue le coefficient multiplicateur de l'économie, car l'État consomme énormément pour dépenser", souligne ainsi Tim Osman, pour lequel il est nécessaire de réformer la fiscalité européenne, trop lourde pour les investisseurs, ou de réinvestir les prélèvements, par exemple dans une politique de grands travaux.

Autre proposition, un partage des savoir-faire et des infrastructures entre États membres pour renforcer l'attractivité de l'espace européen et donc stimuler l'intelligence créatrice. Cela se fait, mais insuffisamment à vos yeux.

Lacroix juge que l'Europe manque d'entrepreneurs et d'ingénieurs, qui constituent "la partie vive de la richesse nationale sur laquelle s'articulent les systèmes politiques. Les créateurs s'évaporent au lointain ou se livrent à la finance rémunératrice. Il nous manque, par exemple, de hardis novateurs et des centres de ralliement entre universités pour atteindre la masse critique nécessaire pour égaler les centres universitaires de grande ampleur".

Mutualisation de la matière grise, mais aussi de ses industries : "Seuls une relance économique par la création de grands travaux et le regroupement des activités industrielles au sein de l'Europe, avec partage des technicités, nous permettront de sortir de l'ornière", recommande Fuxeen.



Une seule voix pour crédibiliser l'Europe de la défense

"L'Europe devrait se doter d'un système de défense indépendant, avec des forces communes financées par un budget commun" : comme Elianeb, vous êtes majoritairement pour une Europe de la défense qui puisse crédibiliser la voix des Européens sur la scène stratégique internationale.

Évoquant l'intervention onusienne en Libye avec le ton polémique qui caractérise les commentaires sur ces débats, Nathael45 déplore que l'Europe soit "une baudruche plus habile à réglementer la longueur des concombres que de prendre position contre un dictateur coupable de crimes contre l'humanité".

Vous proposez différents moyens pour y parvenir. Parmi eux, un arsenal stratégique commun. Diomède voit dans le partage de l'arme nucléaire un préalable à une Europe stratégique efficace. L'arme nucléaire, d'autres moyens, et aussi une méthode : "Il faudra intervenir d'une façon plus pacifique : construire des infrastructures utiles, conseiller, encadrer et former, aider à l'implantation de technologies indispensables à la collectivité, etc." (Porporino).

Les impératifs géostratégiques ne souffrent pas le différé des décisions : "L'urgence européenne ne peut plus se permettre de rétrograder. Le retard déjà pris fait triompher ses ennemis. L'interdépendance de ses États membres est plus qu'urgente face à la puissance de feu des États-Unis" (Claudia).



Le paradoxe est là : les enjeux et les carences sont clairement identifiés. La volonté de s'en sortir par le haut existe, elle aussi. Pourtant, la réalité n'avance pas. L'aspiration à une Europe dynamique et efficace est fortement exprimée dans les fils de commentaires. Comment peut-elle être entendue au milieu du brouhaha anti-traité et des discours contradictoires sur l'identité nationale ? L'élection présidentielle se profile : quel candidat choisira de mettre en avant ce que vous appelez la reconstruction européenne ?

Avril 2011

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