Dossier
La fée hydrogène : l'énergie de demain

Par Futura-Sciences



Jusqu'il y a peu, on voyait dans les piles à combustible une solution de la "voiture propre de demain". Désormais, on envisage l'avènement d'une véritable "économie de l'hydrogène", car cet élément, inépuisable à l'échelle de la planète, peut devenir un vecteur énergétique aussi important que l'électricité. Ses avantages ? Il peut être produit dans un premier temps par reformage des hydrocarbures, mais aussi en s'appuyant sur les énergies renouvelables (donc sans émissions de CO2). Il peut être aisément stocké – ce qui n'est pas le cas de l'électricité. Il renforcerait considérablement l'indépendance énergétique de l'Europe.

Depuis près de deux ans, le concept de l'économie de l'hydrogène est devenu l'un des fondements majeurs autour duquel l'Union européenne axe l'ensemble de sa politique énergétique durable pour les prochaines décennies. Pourquoi cette option centrale, qui implique aussi toute la recherche sur l'énergie, s'impose-t-elle avec autant de force ?

 
Un Bus à Hydrogène

L'HYDROGENE ARRIVE

Depuis près de deux ans, le concept de l'économie de l'hydrogène est devenu l'un des fondements majeurs autour duquel l'Union européenne axe l'ensemble de sa politique énergétique durable pour les prochaines décennies.

Pourquoi cette option centrale, qui implique aussi toute la recherche sur l'énergie, s'impose-t-elle avec autant de force ?

Pour un budget de 54 millions €, dont près de 18 millions € apportés par l'Union, un projet européen de démonstration particulièrement ambitieux, baptisé Cute (Clean Urban Transport for Europe), fédère un large consortium de près d'une trentaine de participants. Il rassemble des développeurs de piles à combustible, des constructeurs de véhicules, des industries de la filière hydrogène, des opérateurs de transports urbains et des autorités municipales. Objectif : mettre en service, en condition réelle, une flotte de 27 prototypes de bus à hydrogène, propres et silencieux, dans les réseaux de transport public de neuf cités européennes. Les infrastructures d'approvisionnement ont été construites en 2003 et les premiers bus livrés dans plusieurs villes. Des "essais" ont commencé à Porto, Madrid, Stockholm, Stuttgart et Londres. Un autre projet de démonstration appelé Ectos est en cours à Reykjavik (Islande) où trois bus circulent et sont ravitaillés par de l'hydrogène produit à partir d'énergies renouvelables.

Il y a une dizaine d'années, c'était au plus une "alternative encore lointaine", une "perspective du futur". L'accent n'était d'ailleurs pas tellement mis sur l'hydrogène en tant que tel, mais bien sur la "pile à combustible". Cette option technologique, jusque là peu familière du grand public, était principalement présentée comme la formule susceptible de faire rouler, de façon totalement propre, les "voitures de demain".



    •    Le temps de l'auto électrique

C'était l'époque où il devenait assez évident que le "tout fossile" en matière de transport – et à d'autres usages – aurait une fin. A plus ou moins longue échéance, les ressources s'épuiseraient et la menace du changement climatique commencerait à être prise au sérieux.

La première alternative développée a été la voiture électrique – en version "pure" ou en version hybride –, dotée de batteries rechargeables. Beaucoup de recherches ont été – et sont toujours – menées dans cette voie et ont amené des progrès significatifs. Diverses flottes de véhicules sortis de cette filière circulent aujourd'hui. Particulièrement appropriée pour la lutte contre la pollution en milieu urbain, cette génération de la voiture électrique à 100% se heurte cependant aux limites de son autonomie et à la lourdeur des opérations de recharge. Une large préférence est donc donnée aux véhicules hybrides, certes intéressants à bien des égards, mais qui ne peuvent que diminuer – et non supprimer – la dépendance aux combustibles pétroliers.

    •    Virage vers les PaC

Par rapport aux accumulateurs rechargeables, la pile à combustible (PaC) s'est dès lors renforcée comme une alternative résolument séduisante. Le principe, connu depuis des lustres, est presque trop beau pour être vrai. De l'hydrogène, combiné à l'oxygène de l'air ambiant, produit du courant capable d'alimenter le moteur d'un véhicule. En lieu et place des gaz d'échappement des moteurs à combustion interne, le résidu est de l'eau et un peu de chaleur… Taux d'émission théorique en CO2 et autres polluants nuisibles à l'environnement et à la santé : zéro. Ces piles cumulent deux autres avantages appréciables : haut rendement énergétique et absence de nuisance sonore.

Au cours des années '90, l'impulsion donnée au développement des PaC, centrée principalement sur la filière automobile très impliquée dans ce mouvement, s'est ainsi considérablement amplifiée. En Europe, aux Etats-Unis, au Canada et au Japon, des programmes publics ont financé des contrats associant des organismes de recherche et des entreprises. Ainsi, à la fin de la décennie '90, les deux grands projets européens Fever (emmené par Renault et Volvo) et Hydro-Gen (PSA-Peugeot-Citroën) ont débouché sur la présentation des premières "voitures-prototypes à PaC", dotées de performances routières convaincantes. Parallèlement, DaimlerChrysler et Opel-GM ont également élaboré leur programme intensif de démonstration avec leurs modèles respectifs Necar et HydroGen.



La sortie de ces prototypes a un immense mérite : ceux-ci démontrent que les potentialités de la filière PaC sont bien réelles. En même temps, ces réussites donnent à voir le gap immense qui sépare un tel concept innovant de son application étendue. Car, dans les structures énergétiques actuelles de la société où le pétrole est roi, ces voitures de demain ne peuvent que rester des "curiosités" non commerciales. Une véritable mutation, beaucoup plus globale, est nécessaire si l'on veut donner à cette nouvelle génération de véhicules la moindre chance de pénétrer un jour le marché.

    •    L'hydrogène entre en scène

La problématique des piles à combustible a ainsi commencé à embrasser une approche inédite et renouvelée de l'ensemble de l'équation énergétique du monde contemporain. Un nouveau concept global a surgi : celui de l'économie de l'hydrogène. A partir de 2002, les responsables de l'Union en feront un véritable cheval de bataille d'une politique européenne de l'énergie durable.

Qu'est-ce qui motive et que recouvre un tel axe stratégique ? Ressource "élémentaire" particulièrement abondante à l'échelle de notre planète – non seulement dans l'immensité de ses eaux océaniques et fluviales, mais aussi dans l'ensemble du monde organique, depuis la biomasse jusqu'aux hydrocarbures eux-mêmes –, l'hydrogène apparaît potentiellement comme une gigantesque manne à haute capacité de libération d'énergie. Face au lancinant problème climatique qui taraude aujourd'hui la société humaine, sa mise en valeur massive permettrait de faire chuter de façon drastique les émissions de CO2.

Mais l'hydrogène n'en reste pas moins une ressource paradoxale. Il n'existe nulle part sur Terre à l'état isolé. Il faut donc d'abord le produire, moyennant le recours à d'autres sources énergétiques primaires. Deux procédés pour ce faire sont déjà accessibles : on peut, d'une part, extraire l'hydrogène des ressources fossiles, tout en capturant et séquestrant les émissions de CO2 ; d'autre part, il peut aussi être obtenu en procédant à l'électrolyse de l'eau. Une fois produit, l'hydrogène peut ensuite être stocké et transporté. Ces opérations, dont la faisabilité est déjà établie, exigent de nombreuses adaptations.

Alliance avec les énergies Fluctuantes

Un atout primordial de l'hydrogène est la perspective de pouvoir en disposer de manière proprement inépuisable. L'eau est, en effet, l'un de ses réservoirs majeurs. Pour l'en extraire, il faut cependant passer par le biais de l'électrolyse, c'est-à-dire par une fourniture d'énergie électrique. Loin d'être un handicap, cette étroite alliance hydrogène-électricité, incluant le stade amont, est susceptible de changer du tout au tout l'équation énergétique de demain. Leur synergie ouvre une voie royale à l'exploitation des énergies renouvelables fluctuantes – le vent, le soleil et les vagues. Celles-ci, par nature, butent sur une énorme difficulté à s'intégrer dans l'approvisionnement électrique actuel où l'offre doit sans cesse répondre à l'immédiateté de la demande. Leur utilisation dans l'économie de l'hydrogène, où elles pourraient être stockées, peut lever cet obstacle et constituer un marché susceptible de rentabiliser efficacement ces ressources précieuses.



    •    D'une fée à l'autre

C'est dès lors sur les avantages de cet enchaînement production-stockage-transport que se fonde la perspective innovante de l'économie de l'hydrogène. Dans cette approche, l'hydrogène n'est plus considéré comme un carburant direct (tel qu'il l'est dans les fusées ou lorsqu'il alimente un moteur à combustion interne), mais, bien plus largement, comme un nouveau vecteur énergétique.

Il est en cela comparable au vecteur universel par lequel transite une quantité essentielle de nos approvisionnements en énergie, à savoir l'électricité. Produite dans des centrales, celle-ci "se rend", via des câbles, sur des lieux de consommation. Révolution déterminante dans l'histoire technologique de l'humanité, ne l'avait-on, à ses débuts, baptisée la Fée Electricité?

De la même manière, l'hydrogène obtenu dans des unités de production peut être acheminé par pipelines ou par camions-citernes. Mais, en outre, la possibilité de le stocker, avant ou après transport, représente une supériorité décisive sur l'électricité, qui (en dehors des batteries rapidement épuisables et d'assez faible capacité) est mise en circulation dans le réseau de distribution et consommée dès l'instant où elle est produite. Pour les véhicules, son stockage d'attente peut ainsi avoir lieu dans des "stations-services" où il est ensuite délivré "à la pompe", comme l'essence ou le diesel(1). Embarqué dans leur réservoir, le vecteur hydrogène peut alors alimenter les piles à combustible de bord pour produire le courant nécessaire à des véhicules équipés de moteurs électriques. La nouvelle Fée Hydrogène amène en quelque sorte du courant sans fil.



La description de cette chaîne vectorielle explique pourquoi, désormais, les résultats prometteurs des PaC ne peuvent que se conjuguer avec une approche très ambitieuse fondée sur cette nouvelle économie de l'hydrogène radicalement mutante. Les constructeurs automobiles, objectivement séduits par cette révolution technologique, ne peuvent, en effet, aller de l'avant que si tout un système global de production, de distribution et d'utilisation se met progressivement en place. Celui-ci doit être pensé et mis au point en termes de recherche, puis testé et réalisé au prix d'énormes investissements concertés.

Les conséquences d'un tel développement infrastructurel dépasseraient largement le seul domaine des transports. A une échelle embrassant l'ensemble des besoins énergétiques de la société, la Fée Hydrogène deviendrait alors l'alliée décentralisatrice de la Fée Electricité… Les recherches actuelles étudient déjà des prototypes de piles à combustible stationnaires de grande dimension. Celles-ci peuvent satisfaire, de façon délocalisée, une vaste demande industrielle, agricole, tertiaire ou résidentielle en électricité – ainsi qu'en chaleur (via la cogénération) et en énergie mécanique.

Les dimensions et les retombées de cette nouvelle économie – sans rapport avec la bulle virtuelle d'Internet qui fit long feu aux alentours de l'année 2000 – constituent donc un enjeu énorme. Mûri en étroite collaboration avec les milieux industriels intéressés, le pari sur l'hydrogène apparaît désormais comme une issue viable et durable à l'impasse dans laquelle la "primauté des combustibles fossiles" enferme le système énergétique mondial à l'horizon des prochaines décennies. A cela s'ajoute, pour l'Europe, la préoccupation de plus en plus inquiétante de sa dépendance énergétique.

(1) Dans la mesure où la production d'hydrogène peut également être effectuée à une échelle très décentralisée, par exemple au niveau d'un bâtiment résidentiel, le "plein d'hydrogène" pourrait également se faire lorsque le véhicule est au garage…

Côté Piles


Les recherches sur de multiples technologies de piles à combustible sont en effervescence. Cette diversification ouvre la voie à de nombreuses offres d'énergie non polluante, qui vont des véhicules aux centrales électriques, en passant par des applications portables.

La pile à combustible (PaC) est une "très vieille innovation". Très simple, le principe de base de son fonctionnement a été découvert et démontré, dès 1839, par le physicien anglais William Grove (voir schéma ci-dessous).

Pendant plus d'un siècle, la primauté du développement des machines thermiques et des accumulateurs électriques éclipsa cependant cette invention. Celle-ci ne fut plus guère étudiée en dehors de certains développements en laboratoire, restés sans écho.

Découvert dès 1839, le principe de la pile à combustible est extrêmement simple. Deux électrodes reliées extérieurement par un circuit électrique et séparées par un électrolyte sont alimentées, en présence d'un catalyseur, l'une par de l'hydrogène – qui fait office de combustible –, l'autre par de l'oxygène atmosphérique.

L'atome d'hydrogène à l'anode se scinde en formant un proton ou ion H+, chargé positivement, et un électron. L'ion migre à travers l'électrolyte vers la cathode, où il se combine avec l'oxygène pour former de l'eau (et un dégagement de chaleur), tandis que l'électron parcourt le circuit électrique en donnant naissance à un courant.Sa mise en application varie toutefois beaucoup selon la forme d'hydrogène amenée à l'anode (ce peuvent être des éléments chimiques contenant de l'hydrogène) et la nature des électrolytes.

    •    Coup de pouce venu de l'Espace

La première, la recherche spatiale remettra à l'honneur l'usage contemporain des PaC. Dans les années '60, la NASA choisit, en effet, de se tourner vers des générateurs de ce type pour équiper les engins des programmes Gemini et Apollo. Le développement des technologies très spécifiques des PaC utilisées dans l'Espace n'a cessé de progresser et de s'appliquer depuis lors.

A partir des décennies '70 et '80, cette démonstration spatiale a conduit, surtout outre-Atlantique et au Japon, à un intérêt croissant pour cette filière, en particulier dans le monde de l'automobile et pour diverses applications dites "stationnaires". Ces recherches ont ouvert une grande diversification des options technologiques. Outre l'alimentation classique des premières piles nécessitant de l'hydrogène pur (obtenu par électrolyse), se sont développées des PaC fonctionnant avec de l'hydrogène produit par reformage d'hydrocarbures (essence, gaz naturel, éthanol), mais également à partir de méthanol provenant de la biomasse et du gaz carbonique.

Cet élargissement du spectre des combustibles diminue certes la "propreté" du procédé, en réintroduisant des émissions de carbone, mais sans commune mesure toutefois avec les nuisances des moteurs à combustion interne. En revanche, le reformage a considérablement accru l'intérêt des piles à combustible en autorisant des processus de production d'hydrogène largement répandus et maîtrisés sur le plan industriel.



    •    Une famille nombreuse

Par ailleurs, la diversification porte sur les types d'électrolyte à travers lesquels transitent les ions H+ ou O- en fonction du type de PaC. On trouve ainsi des piles à potasse alcaline (développées principalement dans le secteur spatial), à l'acide phosphorique (technologie la plus "mature" à l'heure actuelle, mais limitée dans ses applications), à membrane polymère, à carbonates fondus, à oxyde solide. Chaque catégorie présente des propriétés spécifiques du point de vue de l'alimentation en combustible, des températures de fonctionnement et des applications en découlant.

Les progrès les plus prometteurs – sur lesquels se sont concentrés les programmes européens – concernent d'abord la famille des membranes polymères (dite PEMFC*). Ce type de PaC peut être alimenté à l'hydrogène pur ou reformé, avec des températures de fonctionnement comprises entre 80°C et 100°C. Il équipe en particulier les principaux prototypes automobiles attendus prochainement sur le marché ainsi que des applications stationnaires de petite puissance, notamment dans le secteur résidentiel.

Une seconde catégorie de piles à membrane polymère, dont le combustible est le méthanol (DMFC*), intéresse plus particulièrement les applications "portables" de faible puissance (téléphonie mobile, informatique, etc.). Son développement se heurte cependant, à l'heure actuelle, à un certain nombre d'obstacles technologiques.

Fonctionnant à des températures beaucoup plus élevées (600 à 1 000°C), les PaC à carbonate (MCFC*) et à oxyde solide (SOFC*) sont en compétition pour le développement d'unités de forte puissance permettant la cogénération d'électricité et de chaleur, ainsi que pour des applications maritimes. Elles présentent des rendements élevés et peuvent être alimentées avec des combustibles variés – méthane, méthanol, biogaz, charbon gazéifié.

* Lexique des sigles de Piles à combustible (Fuel Cell - FC)
- AFC (Alkalin) : Alcaline (surtout dans le créneau spatial)
- PEMFC (Polymer Exchange Membran) : à membrane polymère échangeuse de protons
- DMFC (Direct Methanol): au méthanol direct
- PAFC (Phosphoric Acid): à l'acide phosphorique
- MCFC (Molten Carbonate) : à carbonates fondus
- SOFC (Solid Oxyd) : à oxyde solide

    •    Recherches européennes en crescendo L'Europe s'est investie de plus en plus substantiellement dans l'enjeu des piles à combustible depuis une dizaine d'années. Au niveau de l'Union, de nombreux projets de R&D et de démonstration leur ont été consacrés dans le quatrième programme-cadre (1994-1998), appuyés par une aide financière de 54 millions €. Cette impulsion s'est poursuivie dans le programme suivant (1998-2002) où quelque 150 millions € ont été apportés en soutien à quelque 70 projets consacrés aux PaC et à l'hydrogène. La plupart des projets sur les PaC étaient spécifiquement ciblés sur la technologie des électrolytes à membrane polymère, actuellement la plus prometteuse en termes de marché. L'enjeu est notamment de mettre au point des piles à membrane (PEMFC et DMFC) fonctionnant à des températures plus élevées (de 80 à 180°C) que les PaC développées jusqu'ici, ce qui en améliorerait les performances tout en en diminuant le coût.


Le Projet Fuero

L'Heure H2

Production-Stockage-Distribution. Telle est la filière infrastructurelle qui doit être créée pour que fonctionne la nouvelle économie de l'hydrogène. Tout comme pour les piles à combustible, ce triple champ de recherche est un chantier prioritaire pour l'Europe de l'énergie.

Comment produire l'hydrogène dont les piles à combustible (PaC)ont besoin pour fonctionner ? Dans un futur plus ou moins proche, deux larges avenues – l'électrolyse et le reformage des hydrocarbures(1) – sont plus directement disponibles. Les expertises industrielles acquises dans ces domaines demandent cependant des adaptations technologiques et commerciales à l'heure des piles à combustible.

    •    L'œuf et la poule de l'électrolyse

A moyen et long termes, l'hypothèse idéale – car la plus écologique et donnant un hydrogène particulièrement pur – serait celle de l'électrolyse de l'eau. Techniquement, ce procédé est parfaitement maîtrisé et il est utilisé sans problème dans un certain nombre d'applications industrielles. Onéreuse, en raison de son coût et de la consommation d'électricité entraînée, l'électrolyse est cependant très rarement retenue pour obtenir des quantités importantes d'hydrogène.

Dans le cadre de l'économie de l'hydrogène, le recours à l'électrolyse rappelle le problème de l'œuf et de la poule. Il serait absurde de produire de l'hydrogène à des fins non polluantes en utilisant de l'électricité provenant de centrales thermiques qui le sont. Ce mode de production ne peut donc prendre son sens que s'il s'appuie sur une offre d'énergies renouvelables à des prix compétitifs. Or celles-ci se développent lentement et doivent encore prouver qu'elles peuvent répondre à une demande (future) pour l'alimentation du marché PaC. Ainsi deux unités-pilotes d'électrolyse alimentées par des générateurs éoliens sont actuellement développées, en Grèce et aux Canaries, dans le cadre du projet européen RES2H2. Il s'agit de démontrer en vraie grandeur une capacité fiable de production d'hydrogène. Ce test aura une valeur significative pour cette ressource dont le potentiel s'avère stratégique sur toute la façade maritime méridionale de l'Europe.



    •    Le reformage, meilleur candidat immédiat

La voie la plus courante repose actuellement sur l'extraction de l'hydrogène des ressources fossiles, plus spécifiquement des hydrocarbures. Compte tenu de l'importance de ceux-ci dans toutes les filières de distribution de l'énergie, c'est ce dernier choix qui s'impose le plus clairement pour l'avènement à court et moyen terme des PaC.

L'opération se pratique surtout par diverses techniques de reformage. Le mélange du carburant (principalement le gaz naturel, ressource fossile la moins polluante) avec de la vapeur d'eau, en présence de catalyseurs appropriés et à haute température, donne de l'hydrogène et du dioxyde de carbone. Il existe aussi des procédés par oxydation. Cette production s'accompagne de différents modes de purification portant sur la désulfuration, l'élimination de la teneur en CO, etc.

Le reformage est principalement exploité à grande échelle pour les besoins de l'industrie chimique, en particulier pour la synthèse d'ammoniac qui représente actuellement près de la moitié de la demande mondiale en hydrogène. L'application de cette technologie à l'alimentation spécifique des piles à combustible pose donc avant tout un problème d'adaptation du processus à des dimensions nouvelles.
Il faut, en effet, concevoir des modes de reformage convenant à des centrales à PaC conçues pour satisfaire des besoins régionaux ou locaux. Le but étant de supprimer les émissions de gaz à effet de serre et autres dérivés polluants, un aspect important est la séquestration des rejets de CO2 et les opérations de purification de l'hydrogène produit par le gaz naturel (ou d'autres hydrocarbures comme le méthanol, le méthane, le naphta, etc.). Plus complexe encore est la mise au point de reformeurs de très petite taille, adjoints à des PaC et placés sur des véhicules qui seraient alors alimentés "à la pompe" par ces divers carburants.



    •    Les promesses du végétal et du vivant

A un horizon plus lointain, le monde végétal, qui constitue un gigantesque réservoir d'énergie solaire captée par la photosynthèse, représente une source potentielle importante de production d'hydrogène. La gazéification de la biomasse permet, en effet, de produire des biocarburants. Si, au départ, la tendance est de les utiliser en tant que tels dans les moteurs à combustion interne, on peut également les reformer. Par voie thermochimique, la biomasse est, en outre, à même de fournir directement de l'hydrogène à l'état gazeux. Les champs de recherche sont donc larges et les perspectives demandent encore à être validées, que ce soit en terme de rendement, de qualité, de dimensionnement ou de coût. Ces perspectives interfèrent, d'autre part, avec le devenir des activités agricoles et forestières. Près d'une dizaine de projets européens du cinquième programme-cadre, pour lesquels l'Union finance 50% d'un investissement global de 23 millions €, sont lancés dans ce domaine.
Plus futuriste est sans doute cette autre voie de production biologique directe d'hydrogène à partir d'algues microscopiques ou de bactéries. Des recherches récentes montrent qu'au cours du processus photosynthétique de ces organismes, un complexe système enzymatique, connu sous le nom d'hydrogénase, peut favoriser la formation de molécules d'hydrogène dans certaines conditions. On se situe ici dans un domaine éminemment potentiel, dont la faisabilité et les applications concrètes restent encore floues.

    •    Stockage du volume

Si l'hydrogène possède tous les atouts pour devenir un vecteur énergétique clé, il nécessite de surmonter deux obstacles susceptibles de freiner son utilisation. S'il est le plus léger des atomes existant, il est aussi le plus volumineux dans son état gazeux à température et à pression courantes. Sa capacité de libération d'énergie en fait, en outre, un gaz particulièrement inflammable(2). Résoudre la très complexe problématique de son stockage et de sa distribution dans des conditions requises de volume et de sécurité – et le coût de ces opérations – est donc un préalable à son utilisation. Autant que la mise au point des piles à combustible, ces aspects forment certainement le second "nœud" technologique conditionnant l'avènement de l'économie de l'hydrogène.


Différentes "solutions" existent à l'heure actuelle, mais elles sont loin d'assurer des performances – technologiques ou économiques – satisfaisantes pour une généralisation de l'entreposage et de la circulation de ce précieux vecteur. Chacune de ces stratégies peut présenter des avantages spécifiques mais elle doit être évaluée en fonction de la consommation d'énergie qu'elle peut solliciter et – en particulier dans le cas des applications de transports – de l'augmentation de poids qu'elle entraîne.

    •    Compression-liquéfaction

La forme de stockage la plus courante consiste à comprimer le gaz et à le confiner dans des réservoirs sécurisés. Les pressions utilisées vont de 350 à 700 bars. Ce processus, largement expérimenté dans les utilisations industrielles de l'hydrogène, nécessite une consommation d'énergie équivalente à 10% de son pouvoir calorifique (PCI). Le stockage peut se pratiquer dans des bouteilles de 10 litres et plus, et les réservoirs fixes de taille moyenne (stations de distribution) atteignent 10 000 m3. Des volumes beaucoup plus importants sont emmagasinés de façon souterraine.

Les enveloppes de confinement de l'hydrogène – qu'il s'agisse des tanks, des réservoirs ou encore des pipe-lines d'adduction – sont renforcées pour résister aux pressions. Elles doivent être constituées de métal résistant à la corrosion (tel l'aluminium renforcé par des fibres de carbone) et ne présentant aucune possibilité d'infiltration par les atomes très léger de l'hydrogène.

Plusieurs prototypes automobiles à PaC sont équipés de réservoirs à compression, mais la faible densité volumétrique de l'hydrogène ainsi stocké handicape leur autonomie. Des essais d'introduction de polymères visent à réduire leur poids pour les véhicules. La résistance aux chocs et les technologies d'adaptation des accessoires auxiliaires (valves, détendeurs, etc.) font également l'objet de recherches.

 


L'option du stockage solide de l'hydrogène dans des nouveaux matériaux métalliques ou carbonés est l'un des sujets clés pour l'avenir de cette filière énergétique. Dans la table périodique ci-dessus, ce sont des alliages à base des éléments les plus légers (en rouge) – en particulier des alliages de magnésium, nickel et lithium, des composés à base d'aluminium (alanates) et de bore (borohydride) – qui sont actuellement des candidats très étudiés. C'est à eux que s'intéressent les projets Fuchsia, Historhy et Hymosses dans le cinquième programmecadre et le projet intégré Storhy dans le sixième.©

Pour contourner le handicap du volume du stockage et du danger d'inflammabilité de l'hydrogène, celui-ci peut également être liquéfié, mais cette transformation ne se réalise qu'à une température particulièrement basse – de moins 253°C –ou encore moyennant des pressions très élevées. De telles technologies cryogéniques sont courantes dans l'industrie(3), mais elles posent un coût réel en termes d'énergie (25 à 30% du PCI de l'hydrogène). Si le matériau des réservoirs n'a pas les mêmes contraintes de résistance, il doit par contre posséder des qualités d'isolation thermique (réservoirs à double paroi). Les prototypes BMW, Opel et DaimlerChrysler sont ainsi dotés de cette option par voie liquide. Des stations-services pilotes existent à Munich, en Allemagne.



    •    Stockage solide, voie royale du futur

Par rapport à ces technologies, la voie la plus prometteuse, qui serait décisive pour l'essor des PaC dans le secteur des transports et des applications portables, semble bien celle du stockage solide. Certains nouveaux matériaux (composés d'alliages métalliques ou de nanotubes carbonés) ont la capacité d'absorber, à des températures courantes, des atomes d'hydrogène dans les espaces interstitiels de leur structure à base métallique. Dans des conditions catalytiques appropriées et moyennant un léger chauffage – de l'ordre de 80°C, qui pourrait être obtenu par la chaleur même émise par la pile à combustible –, un phénomène de désabsorption libère ensuite l'hydrogène et permettrait de l'utiliser comme combustible.

De très sérieux espoirs résident dans la mise au point de cette perspective technologique. "Le stockage solide apporte une solution aux questions de sécurité posées par la compression à l'état gazeux", souligne Jiri Muller, chercheur à l'Institutt for Energiteknikk (IFE) de Kjneller (NO), participant au projet StorHy. Doté d'un réacteur nucléaire permettant des analyses très fines du positionnement des atomes d'hydrogène dans une vaste gamme de complexes d'hydrures métalliques, cet organisme est au cœur de nombreux travaux européens menés dans ce domaine. "A volume égal, on pourrait arriver à des réservoirs ayant une capacité comparable à celle du stockage de l'hydrogène sous forme liquide. En outre, l'accès au réservoir, lorsque vous l'ouvrez pour le remplir, ne poserait pas de problème d'étanchéité. Le défi est aussi d'arriver à des solutions réunissant les performances optimales en termes de stabilité, de réversibilité aisée du stockage, de poids du réservoir et, bien entendu, de coût."



(1) Parallèlement au reformage, un autre mode de production d'hydrogène est la gazéification par combustion partielle de ressources fossiles (charbon et hydrocarbures lourds). Mais, à nouveau, ces technologies ne sont appliquées qu'à des échelles très importantes et entraînent de coûteuses opérations de purification. La recherche sur des dispositifs de faibles capacités ne permet pas d'entrevoir, pour l'instant, de perspectives rapprochées de faisabilité.

(2) Très volatil, l'hydrogène gazeux se disperse toutefois rapidement dans l'atmosphère – ce qui compense un peu sa dangerosité.

(3) Les leaders en Europe sont notamment Air Liquide (FR), Linde Gas (DE), Air Products (UK), etc.

    •    Nucléaire, solaire thermique et hydrogène

N'émettant pas de CO2, les centrales nucléaires sont sur les rangs pour fournir l'électricité nécessaire à l'électrolyse de l'eau – en particulier pour leur production en heures creuses – au même titre que les énergies renouvelables. Cependant, l'hydrogène peut être aussi extrait de l'eau par une autre voie, dite thermochimique : à des températures supérieures à 1 000°C, la molécule d'eau peut se scinder par “craquage” sous l'effet de la chaleur.

A cet égard, dans les projets actuels portant sur de futures centrales de quatrième génération à haute température, l'industrie nucléaire produirait à la fois de l'électricité et de la chaleur. L'application la plus souvent citée pour l'utilisation de cette dernière est le dessalement de l'eau de mer, mais cette ressource pourrait également entrer dans la filière de production d'hydrogène.

Une autre voie intéressante de production intensive de chaleur est le secteur de l'énergie solaire thermique. Le projet européen Heliosol – composé de quatre partenaires grec, anglais, allemand et danois – étudie les procédés catalytiques complexes qui pourraient rendre cette approche intéressante...

Août 2008

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