« Les pays africains doivent augmenter leur productivité agricole et développer les services »

Par Claire Guélaud





A l'occasion de la publication, jeudi 24 avril, des Perspectives économiques en Afrique subsaharienne, Roger Nord, directeur adjoint du Département Afrique du Fonds monétaire international (FMI), confirme l'accélération de la croissance dans cette région longtemps défavorisée, mais aussi la nécessité d'y moderniser l'agriculture et les services pour créer des emplois.


La santé économique de l'Afrique semble convenable, mais où sont les points noirs?

La croissance reste forte, le FMI prévoit une moyenne de 5,5% du produit intérieur brut (PIB) pour 2014 et 2015, en hausse par rapport à 2013. Encore une meilleure nouvelle, les pays les plus pauvres devraient connaître une croissance de 7% durant les deux prochaines années.



Pour le continent africain, les risques sont surtout extérieurs, au niveau des exportations : le ralentissement des pays émergents comme la Chine ou le Brésil représente un risque notamment pour les pays exportateurs de minerais.

De nombreux pays d'Afrique sub-saharienne affichent une croissance stable de 5 à 6 % depuis plus d'une décennie, pourtant peu d'emplois sont créés et la pauvreté a du mal à reculer. Pourquoi ? Comment y remédier ?

Le niveau de pauvreté reste beaucoup trop élevé et le nombre d'emplois créés est moindre que ce que nous avions anticipé. Surtout parce que la croissance n'a pas été bien partagée, elle s'est concentrée dans des enclaves, par exemple dans le secteur minier.



Pour le futur, il faudrait s'assurer que la croissance ait lieu dans les secteurs créateurs d'emplois, l'agriculture et les services.

Pour cela, les pays africains ont besoin d'investisseurs. Ceux-ci craignent l'instabilité politique, mais aussi l'insécurité dans le climat des affaires et la corruption.

Comment les rassurer ?



Il est certain que ces domaines doivent être améliorés, je pense par exemple à la zone UEMOA (L'Union économique et monétaire ouest africaine), où il y a une grande marge de progression. Les progrès sont possibles, on l'a vu dans de nombreux pays : je pense par exemple au Rwanda, je suis très optimiste pour les pays d'Afrique de l'Ouest qui pourraient suivre son exemple.

Quels sont les pays les plus performants et pourquoi ?



Depuis une vingtaine d'années, nous avons vu des taux de croissance et des avancées sociales importants en Afrique de l'Est comme en Tanzanie, au Rwanda, au Mozambique, ou encore en Ouganda. Dans ces pays, la pauvreté a baissé grâce à une croissance élevée mais surtout durable. C'est ça la solution, et pas des flambées pendant deux ou trois ans.

En Afrique de l'Ouest, ça a traîné en partie parce que la Côte d'Ivoire a été en pause pendant une très longue période à cause de la crise politique des années 2000. Avec la reprise en Côte d'Ivoire, j'ai de grands espoirs pour la sous-région.



Pourquoi les pays asiatiques se développent-ils plus rapidement que les pays africains à croissance égale?

En Asie, les économies ont connu une transformation structurelle, avec une forte augmentation de productivité dans le secteur agricole ce qui a permis de créer de nombreux emplois dans les villes. En Afrique, cette transformation n'a pas eu lieu. Est-ce un problème? D'un côté, oui. Il faut une augmentation de la productivité agricole en Afrique qui libèrera de la main d'oeuvre, mais pas forcément pour des industries dans le manufacturier comme en Asie, plutôt dans le domaine des services ou la filière agricole.




De nombreux pays du continent ont tiré avantage des politiques monétaires expansionnistes notamment américaines. Ces politiques sont en train de se resserrer. Comment cela va-t-il impacter le continent africain ?

Ce resserrement se passe heureusement de façon lente et progressive. L'ajustement sera donc pour l'Afrique plus facile qu'il ne l'est pour certains pays émergents. En Turquie, en Afrique du Sud, au Brésil, on voit déjà l'impact de ce resserrement sur les flux financiers qui ralentissent. En Afrique, ces flux sont à plus long terme, il s'agit d'investissements directs par exemple qui sont moins affectés. Mais dans quelques pays comme le Ghana, on éprouve des difficultés à se financer sur les marchés mondiaux. Il faudra en tenir compte.

21 Mai 2014

Abonnez-Vous au Monde

Retour à l'Economie

Retour au Sommaire

 INFORMATIQUE SANS FRONTIERES
Paris
France
Europe
UniversitÈs
Infos
Contact