De la reprise économique
Par Gilles Marchand



Entre les bulles économiques et les points bas du marché, il y a de la place pour une variété de propositions permettant une prospérité plus respectueuse des besoins individuels de chacun sans tourner le dos à des solidarités que seul un état est en mesure d'assumer. Or, nous ne sommes pas en 1929, et une véritable reprise économique française et européenne pourrait être sur le point de voir le jour.

Beaucoup de gens réalisent, aujourd'hui, que l'extrême versatilité des marchés est parfois un frein à la cohésion et à la régularité des politiques économiques entreprises jusqu'ici. Leur impact sur l'économie réelle est désormais un fait avéré. L'intégration dans les métiers de la banque des pratiques entrepreneuriales du bâtiment et l'impasse faite sur les règles traditionnelles ont créé la situation que nous traversons aujourd'hui, tous types d'informations et d'événements confondus. Au-dela des couloirs spéculatifs qui aboutissent à des réajustements progressifs, on s'aperçoit qu'il y a un ensemble de mesures possibles envisageables qui puissent être moteur d'une solide et durable reprise économique.

Le soit-disant aveuglement du marché correspond à une perceptivité ultra-réactive à tous les indicateurs qui en rythment la vie, aux variations de l'activité symbolique, et à la manière dont sont aujourd'hui gérés les énormes masses financières qui servent à rentabiliser l'investissement, mais dont les principes de fonctionnement intrinsèques finissent à terme par nourrir des couloirs spéculatifs qui rendent la stabilisation économique plus difficile.



Il faut pourtant bien convenir qu'une sagesse générale émaille sur le long terme la conduite de l'action générale de promotion tous azimuts de tous les projets susceptibles de produire de la richesse. Il faut bien comprendre que beaucoup des mécanismes qui la guident dépendent de technologies et de médias qui en structurent la nature et qui s'ils en renforcent la puissance d'adaptabilité, la rapidité, la capacité d'intervention, induisent des automatismes qu'il s'agit de décrypter et de distribuer plus finement afin qu'ils conduisent à permettre aux forces à l'œuvre d'éviter leurs excès induits. Ainsi beaucoup des coordonnées bancaires se retrouvent diffusées sur internet et il serait urgent que les consultations en ligne soient davantage protégées pour être absolument infalsifiables.  D'autre part, fraction importante, non totale, mais pas pour autant négligeable, une croissance nouvelle doit notamment se faire en bénéficiant de la dynamique des nouvelles technologies. Nous allons prochainement connaître trois révolutions industrielles quasi-simultanées. La première concerne l'environnement et les technologies vertes, le Green Power. La seconde concerne l'économie hydrogène,  avec la constitution de parcs automobiles et urbains basés sur la notion commune d'émissions zéro. Enfin le Web 3D fournira une redéfinition profonde, passionnante, mais qui demandera elle aussi de la vigilance, des principales activités professionnelles. C'est une grande nouvelle, ici aussi. Pour se faire, elles doivent expurger la tendance quasi naturelle qu'elles ont d'à aller dans le sens de la dématérialisation et d'une automatisation toujours plus grande de leurs processus de fonctionnement.

Il nous faut retrouver un rapport concret à notre environnement. L'intensité des échanges gagnée privilégiera l'humanité et le savoir. Le tableau, donc, n'est pas si noir. Les nouvelles technologies génèrent des domaines économiques, des branches de développement et des compétences nouvelles qui font appel à un plus grand savoir-faire humain. Mais très vite peut se remettre en place une logique productiviste qui en expurge la chair créatrice et en diminue l'implication humaine jusqu'aux prochains microcycles. Il faut placer des pare-chocs dans un domaine d'activité qui a prouvé un goût du profit dégagé de toute considération pour les individus concernés. Les plans de licenciement se succèdent, un certain cannibalisme d'entreprises se manifeste, et ce qui disparaît n'apparaît plus à terme que sous une forme virtuelle, fiduciaire, qui viendra accroître d'autres chiffres. Il est bien entendu que nous n'avons pas affaire à des personnes complètement déconnectées des conséquences des opérations qu'elles émettent, mais il serait grand temps, maintenant  que nous savons que le néolibéralisme est par essence prédateur de la substance économique de pays entiers — ce qui en fait est le contraire de sa vocation intrinsèque — qu'une véritable éthique de respect de l'existant, avant de revenir dans le champs de l'investissement productif à moyen et long terme, se mette en place pour mieux protéger les salariés des remous qui emportent avec eux des entreprises florissantes mais soit-disant pas assez au regard des critères de rentabilité escomptés.



Il est temps que cela change.

Aujourd'hui, il est nécessaire, puisque les communautés nationales et les populations des ensembles régionaux ont contribué de par le monde à renflouer les banques et institutions financières en péril de solliciter de leur part, une forme de reconnaissance implicite de leur sauvetage par la soumission à un impôt mondial, même minime, et calculé sur les plus-values. C'est une question humaine simple, mais d'elle peut dépendre la survie de beaucoup d'individus, et il est donc ultra-urgent, toutes autres considérations liées par des liens de causalité à restreindre, qu'une part suffisante de ce capital parvienne aux individus les plus faibles économiquement parlant, sous des formes multiples, comme le micro-financement et des aides multiples. Ces opérations devraient être prise à l'initiative des pouvoirs publics et par le biais des banques, certaines personnes étant si découragées qu'elle ne parviennent pas à effectuer les démarches pourtant simples qui consisteraient à se prémunir d'un surendettement. Le coût de l'argent qui est si bas sur les marchés monétaires fera, en revivifiant des bassins entiers de populations, des villes et des villages. L'argent, c'est l'eau indispensable de la vie qui doit sans cesse être développé pour rétablir la "circulation sanguine" de nos économies. Bien irrigués, un cerveau, des bras, des mains peuvent créer des sources impressionnantes de richesses.

Il sera également nécessaire de repenser la finalité des nouvelles technologies. Vont-elles dans le bon sens ? Ne sont-elles pas orientées et finalement prisonnières de mécanismes qui les obligent à un toujours plus de productivité seulement imaginée répondre à la poussée innovatrice par accroissement des phénomènes d'automation des structures logicielles qui évacuent progressivement la nécessité du recours au "capital" humain ? Nous nous dirigeons probablement vers une rencontre entre les personnages virtuels et les personnes réelles, l'abstraction intelligente devenant, une forme nouvelle d'échange. D'où la nécessité de ne pas se noyer dans la mystique immatérielle des écrans ou des systèmes d'intelligence artificielle.

Beaucoup de choses passionnantes nous attendent et il faut avoir foi en son époque pour la vivre plus facilement. Les temps sont durs, mais nous disposons de ressources illimitées dans les domaines de la réflexion économique, de la littérature, de l'art, de la science, des métiers traditionnels, et cette société bénéficiera du meilleur de ce que l'on trouve dans l'univers : l'atome le plus simple et le plus abondant, quand bien même les lobbystes de toutes nature voudraient en nier la pertinence : l'Hydrogène. Cet élément, ce vecteur énergétique permet de stocker l'énergie, sous forme liquide et il peut être produit par électrolyse. C'est tout l'enjeu de centrales et de bâtiments aux toits recouverts de panneaux solaires souples. L'électricité ainsi produite permet ensuite de fabriquer le carburant du futur. Nous venons d'arracher que des voitures à piles à combustible soient produites vers 2020. C'est encore loin du compte, en terme de santé publique, mais cela laissera une chance à ne pas manquer pour l'industrie automobile de se réinventer tout en écoulant une génération — courte — de véhicules déjà moins polluants. Nous bénéficierions à priori d'une douzaine d'années. Certains experts nous donnent sept ans pour opérer cette évolution.

Tout le monde s'accorde à dire qu'il est important de réussir la massification de l'enseignement secondaire,  de donner le meilleur de leurs chances aux étudiants. Elle est en marche d'autant plus rapidement que dans ce domaine comme d'en d'autres une petite révolution est en train de se produire, sous l'influence conjuguées de nouvelles technologies ubiquitaires, comme les podcasts et les streamings en temps réel avec webcams. Généraliser ces technologies aux universités et grandes écoles parait être une nécessité incontournable. Les échanges vont aller croissant, au moment même où la position géographique  des intervenants perd de son importance. La qualité locale de vie va donc compter double.



Réorienter la recherche et le développement afin de créer selon les principes originaux qui sont mis en place quasi artificiellement des prolongements industriels ou informationnels qui fassent appel à de larges bassins d'acteurs économiques. Réinvestir le champ de l'action économique, de sciences et de recherche, du savoir, afin qu'elles se déploie dans des directions reposant davantage sur la spécificité et la puissance de l'intervention publique, sa richesse et ses réelles possibilités de développement en harmonie avec les apports de la technologie, facteur de cohésion et d'échange accru entre les différents ensembles économiques. Là aussi, le double cercle vertueux du retour à l'emploi et de la sortie de l'assistance sociale qui extirperont beaucoup de personnes de leur état de pauvreté, de quasi-minorité, et cette dépendance qui cessera, allégeront les finances publiques. Mais il est toujours plus facile de sanctuariser des emplois existants que d'en créer de nouveaux. D'où la nécessité de voir les individus recevoir ces aides directement sur leur compte, sans nécessairement en passer par de longues tractations administratives.

Il y a donc une spécificité de l'intervention humaine, une échelle de valeurs qui bénéficieront des nouvelles technologies, les fabriquant de systèmes se trouvant eux-mêmes rémunérés.  La somme des composants informatiques doit parallèlement être multipliée pour permettre davantage de technologies informatiques européennes. Une sorte de développement durable allant dans le sens de la mise en valeur du domaine informationnel.

La culture serait-elle l'avenir d'une part majeure de l'économie ? Une nouvelle ère de la culture commence aujourd'hui et la diversité linguistique en sera un des principaux moteurs. Le deuxième étage de la fusée Europe correspond aux vœux premiers des pères fondateurs.

    Ceux qui se terrent en attendant des jours meilleurs vont au devant de graves désillusions. Le futur est là où on le créé, là où on l'invente, là où se fixent les ferments qui peuvent lui donner sa substance à venir. Or tous les ingrédients sont aujourd'hui réunis pour faire de l'économie globale un réceptacle des œuvres créatives issues des centres majeurs des transformations en cours. Des centres de culture vont se former, offrant à la fois des interactions internationales et des cours sur place. Celle-ci est à la croisée de toutes les influences et sa richesse culturelle sera un atout extraordinaire, capable de donner une vigueur propre à sa recherche formelle et un sens particulier à la construction mondiale. Les multiples ravages qui ont émaillé son histoire ont longtemps handicapé son rayonnement — et sa puissance économique — mais ils ont aussi contribué à créer une émulation qui avec la chute des murs politiques va très vite devenir un avantage. La concurrence permet à une variété de systèmes d'exister.

    La mise en commun de cette densité exceptionnelle va nourrir une diversité qui aujourd'hui, dans un contexte souhaitable d'ouverture des marchés et des esprits, est favorable aux propositions différenciées et aux traductions. Avec des outils de "translation" ou de réadaptation, elle donnera au cinéma européen un  espace de liberté et rayonnera dans les autres domaines de création. Basés sur l'intelligence artificielle en temps réel, ces programmes permettre à  davantage d'artistes et de médiateurs culturels de fonder un renouveau des formes sensibles. Voilà pourquoi il sera possible de traduire une intervention en temps réel. Nous serons capables de se parler dans toutes les langues sans changer "d'idiome". Le budget traduction de l'Europe est conséquent, mais notre capacité à croiser référents culturels multipliera les échanges, et sera tournée vers les autres peuples européens ainsi que vers ceux du monde.

A l'origine historique d'une forme d'évangélisation politique, par la langue, la culture, la religion et, dans une certaine mesure, par l'économie, l'Europe privilégie son ouverture, son soft power, et son travail d'expansion de toutes les valeurs de civilisation, sur lesquelles une irréprochabilité, même si jamais absolue au regard des réalités économiques, devrait être à terme un soucis dont on s'acquitte avec humanité. Sa culture sera un des principaux domaines dans lesquels se nouera ce dialogue international, d'autant qu'il sera appuyé sur une diplomatie supplémentaire, à la fois puissante et bienveillante en visant des résolutions de conflits favorables au commerce et à un développement en grande partie assumé par les africains eux mêmes

L'interaction planétaire demande de nouvelles conduites respectueuses. Il va de soi qu'il faille que les concepts de nationalité soient préservé comme des identités et des valeurs mais une véritable conscience continentale doit émerger. Celle-ci, en effet, va se bâtir au regard d'une conscience plus poussée des nécessités éthiques à mettre en place, et elle ne se fondera pas sur un envahissement du champ symbolique. Elle ne se fera pas dans un soucis de maîtrise du vivant et de ses échanges avec l'extérieur, mais au contraire dans un soucis plus poussé de leur respect à une heure où ceux ci sont menacés par la progressive main mise de l'économique de l'ultra-libéralisme.

    Si les règles politiques sont aujourd'hui en crise, c'est parce qu'elles doivent être réajustées afin de tenir compte des mutations en cours. Mais le culturel n'est pas un domaine anodin. Il est lié à l'identité des nations qui cherchent à le promouvoir. La culture n'est pas un marché comme les autres. On n'achète pas l'âme de ceux dont on assure la promotion des "productions culturelles" tout comme on ne peut mettre en équation tous les termes de la consommation culturelle. Ceux qui le prétendent sont les exploitants en puissance de la nouvelle économie mondiale et comme tels, ils doivent être amenés —au besoin par la force (de négociation) — à respecter la liberté des différents acteurs de  la culture. On doit nécessairement s'attendre à une remoralisation des échanges culturels qui ne veut pas dire limitation ou censure mais prise en compte plus étayée des nécessités humaines de ces domaines.



    Il faut aller vers un plus de prises de conscience, sinon nous serons hypnotisés.

    Or L'Europe dispose de la plus grande variété de bassins humains, d'un des plus longues traditions intellectuelle, et de certains des plus hauts niveaux de formation universitaires. Non seulement il ne faut pas diminuer ces niveaux d'éducation, mais il faut au contraire les renforcer. Les améliorer en permanence et proposer au reste du monde les solutions qui auront pu se révéler efficaces en les adaptant aux capacités locales. Nous allons en effet vers une civilisation de l'image, du symbole et du modèle mais leur signification ne sera jamais dépouillée du sens, et c'est pourquoi la lettre et l'écrit seront toujours présents. Plus que jamais Internet marque leur retour en force. Nous allons vers une société qui fera une plus grande place aux loisirs et à la consommation culturelle. Celle-ci ne pourra faire abstraction de la qualité et de la profondeur de son vécu historique, scientifique et intellectuel.

    L'histoire que cherchent à biaiser la grande majorité des productions grand public — en nous imposant un unique chapitre décliné à l'envi depuis soixante ans — est un atout dont on cherche à nous détourner par tous les moyens. Croyant pouvoir l'imposer à la nouvelle génération. Quitte à lui faire revivre les mêmes affres. Notre force, entre autres, est en effet liée à la richesse sémantique de notre patrimoine culturel et à la variété des interprétations qu'il suscite. Aujourd'hui, notre diversité est un atout. Elle nous permet une compréhension mutuelle et collective à l'heure où les technologies rendent chaque produit transparent. Celles-ci vont favoriser le grand renouveau à venir et contribuer à le décupler. Les problématiques développées à travers les productions existantes ont prouvé une grande part de leur inadaptation aux réalités actuelles. Il est grand temps de les renouveler. En commençant par adopter une politique qui fasse de la place pour un grand dessein culturel, ce en augmentant les budgets aujourd'hui quasi dérisoires et en agissant sans complexe sur un domaine qui a besoin de soutiens et d'orientations.  Enfin centrées sur les contraintes et possibilités actuelles concrètes, elles nous feront enfin entrer de plein pied dans la modernité de demain.

Le multimédia n'est-il pas une mise en forme de cette lente transformation de valeur qui structure lentement les sociétés humaines ? Auquel cas il s'agit que s'établissent des schémas de conversion et d'échange informationnels et d'œuvres qui soient suffisamment structurés pour permettre leur viabilité au niveau international en harmonie avec les structures plus traditionnelles d'intervention économique. Il s'agit de rattacher la création de valeur économique des variables économiques concrètes. La richesse ne peut être uniquement rattachée à des variables financières s'autoalimentant indéfiniment et s'éloignant progressivement de leur nécessaire passage dans les bassins économiques réels qui doivent leur bénéficier comme ils doivent eux-mêmes profiter de leur action régénératrice.

Que constate t-on ?

Une excessive et manifeste sous exploitation des ressources concrètes, notamment humaines, internationales, qui en recevant cette manne, qui aujourd'hui leur fait grandement défaut, dégageraient d'immenses bassins de richesse réelle. Le sous emploi de populations entières voire d'économies nationales complètes crée des sources de développement comme en jachère, le nécessaire terreau d'une réappropriation par l'économique d'un champ social dont il s'est désengagé. Nous serions une agriculture disposant d'immenses plaines fertiles sous cultivées ou utilisées d'une manière extensive, voire négligées. C'est pourquoi l'investissement du capital international dans le champ des économies mondiales concrètes est lui-même un immense facteur de développement et une raison tangible d'espérer si les acteurs économiques savent dériver une part grandissante des ressources financières internationales vers les économies réelles locales.

Une économie dématérialisée ?

Face à la multiplication des formes abstraites et virtuelles de fonctionnement, les économies occidentales et mondiales disposent d'alternatives qui s'avèrent opérantes. Liste de choses à emporter.



Nous sommes tous, ou en tout cas la grande majorité d'entre nous, victimes d'illusions d'optique qui peuvent s'avérer particulièrement préoccupantes. La mise en équation des économies occidentales de plus en plus tributaires de schémas d'organisation virtuels amenés par des principes d'organisation basés sur des fluctuations financières est patente. Les références concrètes se déplacent progressivement vers l'immatériel découplé d'une valeur de plus en plus déconnectée de celle du travail, des infrastructures et des structures monétaires traditionnellement afférentes.  Elles fragilisent celles-ci car elles les exposent de plus en plus non seulement aux fluctuations financières mais également aux variations symboliques de l'information.

Les mécanismes qui sont désormais à l'œuvre échappent parfois à ceux là même qui en sont les instigateurs. Pourquoi une telle fragilité, pourquoi prêter le flanc aux dégâts que peuvent produire des formes d'action particulièrement archaïques ? Nous sommes en définitive, les victimes avérées ou à venir d'un processus que nous éprouvons du mal à réguler et les déprédations peuvent être aussi sensibles dans les pays à structures insuffisamment diversifiées que dans les pays qui se veulent les champions du capitalisme.

Serions-nous si démunis face à cette situation ? Le temps doit-il jouer contre nous ? C'est à mon avis faux. Entre les retours tambourinant aux pratiques d'un autre age — alors que le monde a effectivement changé et qu'elles s'avèrent d'une manière patente souvent inadaptées — et les prises en compte mal assurées de la dithyrambe passionnée des pionniers de la nouvelle économie, il y a d'autres attitudes plus directement opérantes qui tiendraient davantage compte des réalités humaines et techniques et le rapport qu'elles peuvent entretenir.

Il faudra pour y parvenir, que la variable humaine redevienne centrale dans les schémas de réflexion de ce qui font actuellement profession que de la réduire. C'est sa valeur, sa qualité et la pertinence de ses productions qui feront l'économie majoritaire de demain. L'articulation principale entre les domaines de culture ou d'information et les techniques qui les relayeront. Il faut que les conditions de l'épanouissement individuel à un niveau très large soient réunies... Tous les autres domaines d'activité restent valables mais ils vont peut à peu bénéficier des apports de ce noyau central.

Cette extension du domaine de la croissance ne peut exister que si l'on se décide enfin a faire l'abandon du manichéisme et du malthusianisme qui guide beaucoup de réflexions ambiantes, notamment en matière économique. Elles réduisent de grandes entreprises structurées à des réservoirs financiers virtuels ou déplacent les installations sous prétexte qu'il faille remettre à qui de droit ambiant les actifs qui y sont rattachés est une politique qui à long terme condamne des populations entières à la paupérisation y compris celles qui font aujourd'hui le pari d'accueillir les structures délocalisées.

Les économies mondiales, y compris américaine, souffrent d'un manque de préhension sur les variables financières. Le fait d'attirer les valeurs mondiales, y compris par des moyens techniques disproportionnés (je pense à l'utilisation de systèmes de réalité virtuelle et de structures logicielles dédiées) automatise les procédures de fonctionnement boursier et leurs réactions aujourd'hui en lisière du rationnel de ces appareillages et renforce tous les ostracismes mondiaux, tous les fossés, toutes les fractures. Elles asphyxient la planète, lui retirent son oxygène, c'est à dire leurs puissances monétaires. L'eau c'est la vie, or cette eau, cette manne qui permet à une sophistication d'exister mais aussi et plus fondamentalement aux besoins fondamentaux d'être assurés, se retire du paysage local de nombreux points du territoire global. On l'a vu en Argentine...

La circulation sanguine de la planète est altérée. Elle doit être soignée, assistée, puis peu à peu rétablie d'une manière progressive et douce qui permette l'assainissement de zones géographiques entières. C'est l'investissement au plan mondial plutôt que la sempiternelle économie sur les salaires qui est à viser, c'est l'élargissement des structures en lieu et place des dramatiques économies d'échelles qui semblent guider l'entendement de ceux qui appliquent de manière aveugle — ou presque — les principes erronés qui président à la prise de ces décisions. Le mépris et le peu de cas qui est fait de millions d'hommes et de femmes est patent et dangereux. Nous sommes victimes d'une dynamique faussée, de cercles vicieux qu'il faut avoir l'énergie de transformer en cercles vertueux. L'argent doit circuler à tous les niveaux. La valeur doit être repensée en prenant comme étalon l'homme, l'humain, l'individu. Son développement harmonieux au sein de la communauté dans laquelle il habitera.

C'est l'aide à la consommation, non par un unique vecteur mais par un ensemble de facteurs retour de l'activité. Le salaire minimum est une garantie nécessaire, il doit exister au sein d'un faisceau de droits et devoirs nouveaux qui permettent d'établir un nouveau contrat social et économique dont nous serions tous les bénéficiaires et par rapport auquel nous pourrions découpler notre intervention dans le domaine économique et culturel. Les situations absurdes doivent refluer et les bénévoles recevoir une part retour pour l'investissement qu'ils font de leur temps. Le temps est déjà une variable économique. Il peut devenir une variable symbolique de l'activité dans un champ économique donné dont il assure la pérennité.



Il s'agit de renforcer l'adjonction de règles dans des structures qui touchent la limite de leur logique parce qu'elles manquent de critères d'évaluation objectifs et de rattachements économiques précis. L'argent virtuel aujourd'hui a de moins en moins de contact avec la réalité économique, même s'il peut influer sur elle. Les règles de solidarité étendue en renforçant le rôle des structures sociales étatiques vont également aller dans le sens de la logique économique qu'il est nécessaire de mettre en place.

La main invisible doit devenir visible.

Sinon, nous irions à terme vers une dislocation des structures particulièrement dommageable à l'ensemble de la communauté internationale, ce qui est inacceptable. Des dérèglements bénéficieraient tous ceux qui font profession d'exploiter les tiraillements actuels. Nous faisons partie d'un long processus de maturation économique, politique et culturel qui doit faire appel à l'histoire économique car celle-ci nous tend des explications pertinentes et nous donne des capacités de renouvellement dont nous sommes capables à une échelle élargie. Il faut quitter l'absurde absolu auquel nous venons d'assister. La nouvelle économie doit être pensée dans cette perspective. L'humain assisté par la machine et non l'inverse.

Quand nous aurons accompli ce saut conceptuel, placé cet étalon dans notre champ de représentation symbolique, alors l'invention majeure qu'est le numérique deviendra ce qu'elle est appelée à devenir : un formidable tremplin pour la créativité ainsi qu'un puissant facteur de richesse économique. Une fois sa puissance de distorsion démystifiée et qualifiée, intégrée et comprise, déclinée et incorporée dans — presque — tous les champs de l'action humaine, elle sera enfin le formidable outil de Renouveau et de libéralisation destiné à ouvrir à nos côtés le millénaire.

Gilles Marchand

Paris, Décembre 2008


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