L'érosion de la biodiversité, nouvelle urgence mondiale
Par Laurence Caramel


La conférence des Nations unies sur la biodiversité, qui s'est achevée, vendredi 30 mai à Bonn (Allemagne), a réaffirmé l'objectif de freiner le rythme de disparition des espèces et des écosystèmes d'ici à 2010. Pourtant, personne ne juge plus vraiment réaliste cet engagement pris il y a six ans par la communauté internationale. Un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, un tiers des amphibiens sont menacés, selon l'Union mondiale pour la conservation de la nature. La biodiversité relève avec le climat et la lutte contre la désertification des trois priorités arrêtées au sommet de la Terre à Rio en 1992.

Pendant deux semaines à Bonn, plus de 5 000 experts venus de 191 pays ont dressé un tableau sombre d'une situation qualifiée par certains de "crise silencieuse". Alors que le changement climatique occupe le haut de l'agenda international, l'enjeu que constitue la préservation de la diversité biologique reste largement ignoré. Pourtant, il ne s'agit pas simplement de "sauver les pandas et les tigres" comme l'a rappelé le commissaire européen à l'environnement, Stavros Dimas, mais de ne pas épuiser "un capital naturel" dont les sociétés humaines restent dépendantes pour leur survie.
 

AFP/CLEMENS BILAN
La conférence des Nations unies sur la biodiversité s'est achevée à Bonn (Allemagne), le 30 mai 2008.

Signe que l'heure est grave, un économiste indien, Pavan Sukhdev, a été chargé de faire sur la biodiversité un travail d'évaluation comparable à celui réalisé par le Britannique Nicholas Stern sur le changement climatique en 2006, dont les conclusions avaient conduit les gouvernements à prendre le sujet davantage au sérieux. M. Sukhdev, qui, lorsqu'il ne dirige par le département des marchés de la Deutsche Bank en Inde, milite dans une des grandes associations de conservation du pays, a révélé à Bonn les premiers résultats de son étude : l'appauvrissement biologique coûterait 2 000 milliards par an, soit 6 % du produit national brut mondial. L'urbanisation, la standardisation des pratiques agricoles, la pollution, la prolifération d'espèces envahissantes introduites par les échanges commerciaux, le changement climatique enfin, sont les principales causes du phénomène.

Les 191 pays réunis à Bonn ne se sont cependant pas arrêtés à ce constat. A l'initiative de l'Allemagne, un mécanisme de financement des aires protégées devrait voir le jour. La chancelière Angela Merkel a promis 500 millions d'euros d'ici à 2012. Des aires protégées pourront être instaurées en haute mer, un espace qui n'est jusqu'à présent soumis à aucune réglementation.

Un groupe de recherche réunissant les meilleurs spécialistes de la biodiversité devrait prendre forme en 2009. Là encore, il s'agit de se doter, au niveau mondial, d'un instrument de connaissance aussi performant que le GIEC pour le climat. Un moratoire sur la fertilisation des océans a par ailleurs été adopté. Cette technique censée accroître le stockage du carbone par le plancton suscite pas mal d'inquiétude. A Bonn, il a été demandé aux Etats d'interdire cette pratique tant que des fondements scientifiques ne seront pas mieux établis.

Enfin, un pas a été franchi vers l'instauration d'un traité international sur l'utilisation des ressources génétiques. Une feuille de route a été adoptée pour parvenir à un accord en 2010. Ce dossier constitue un des points les plus conflictuels dans les relations entre les pays en développement où se concentre l'essentiel de la richesse biologique et les pays industrialisés souvent accusés de "biopiraterie" par les premiers.

Si le document de Bonn reste prudent, il semble acquis que l'on s'achemine vers la création d'un certificat d'origine sur les gènes convoités par les industriels de la pharmacie, de la cosmétique, mais aussi par les grands semenciers. Dès lors, la rémunération qu'attendent en retour les pays du Sud sera plus facile à établir. Aujourd'hui, seuls une soixantaine de pays ont une législation réglementant la bioprospection.

Juin 2008


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