Le Renouveau culturel
Par Gilles Marchand



Une nouvelle ère de la culture commence aujourd'hui et l'Europe en sera un des principaux moteurs.

Ceux qui se terrent en attendant des jours meilleurs vont au devant de graves désillusions. Le futur est là où on le créé, là où on l'invente, là où se fixent les ferments qui peuvent lui donner sa substance à venir. Or tous les ingrédients sont aujourd'hui réunis pour faire de l'Europe un des centres majeurs des transformations en cours. Celle-ci est à la croisée de toutes les influences et son antériorité culturelle est sur le point de devenir un atout extraordinaire, capable de donner une vigueur propre à sa recherche formelle et un sens particulier à la construction mondiale. Les multiples clivages qui ont émaillé son histoire ont longtemps handicapé son rayonnement — et sa puissance économique — mais ils ont aussi contribué à créer une émulation qui avec la chute des murs politiques va très vite devenir un avantage. La concurrence permet à une variété de systèmes d'exister.

La mise en commun de cette richesse exceptionnelle va nourrir une diversité qui aujourd'hui, dans un contexte d'ouverture des marchés et des esprits, est favorable aux propositions différenciées. A l'origine d'une forme d'évangélisation politique, par la langue, la culture, la religion et, dans une certaine mesure, par l'économie, L'Europe va très bientôt tirer le bénéfice de son travail d'expansion de toutes les valeurs de civilisation. Sa culture sera le domaine principal dans lequel se mesurera ce retour, et elle sera le principal bénéficiaire de l'interaction planétaire qui va se mettre en place. Celle-ci, en effet, va se bâtir au regard d'une conscience plus poussée des nécessités éthiques à mettre en place, et elle ne se fondera pas sur la recherche d'un envahissement du champ symbolique comme certains pôles ont cherché à le faire depuis des décennies. Elle ne se fera pas dans un soucis de maîtrise du vivant et de ses échanges avec l'extérieur, mais au contraire dans un soucis plus poussé de leur respect à une heure où ceux ci sont menacés par la progressive main mise de l'économique concentrationnaire de l'ultra libéralisme.

Si les règles politiques sont aujourd'hui en crise, c'est parce qu'elles doivent être réajustées afin de tenir compte des mutations en cours. Mais le culturel n'est pas un domaine anodin. Il est lié à l'identité des nations qui cherchent à le promouvoir. La culture n'est pas un marché comme les autres. On n'achète pas l'âme de ceux dont on assure la promotion des "productions culturelles" tout comme on ne peut mettre en équation tous les termes de la consommation culturelle. Ceux qui le prétendent sont les négriers en puissance de la nouvelle économie mondiale et comme tels, ils doivent être amenés —au besoin par la force (de négociation) — à respecter la liberté des différents acteurs de la culture. On doit nécessairement s'attendre à une remoralisation des échanges culturels qui ne veut pas dire limitation ou censure mais prise en compte plus étayée des nécessités humaines de ces domaines.

Il faut aller vers un plus d'intelligence et de prises de conscience, sinon nous serons hypnotisés.
Or L'Europe dispose de la plus grande variété de bassins humains, de la plus longue tradition intellectuelle, et de certains des plus hauts niveaux de formation universitaires. Non seulement il ne faut pas diminuer ces niveaux d'éducation, mais il faut au contraire les renforcer. Les améliorer en permanence et proposer au reste du monde les solutions qui auront pu se révéler efficaces en les adaptant aux capacités locales. Nous allons en effet vers une civilisation de l'image, du symbole et du modèle mais leur signification ne sera jamais dépouillée du sens, et c'est pourquoi la lettre et l'écrit seront toujours présents. Plus que jamais Internet marque leur retour en force. Nous allons vers une société qui fera une plus grande place aux loisirs et à la consommation culturelle. Celle-ci ne pourra faire abstraction de la qualité et de la profondeur de son vécu historique, scientifique et intellectuel.

L'histoire que cherchent à biaiser la grande majorité des productions grand public — en nous imposant un unique chapitre décliné à l'envi depuis soixante ans — est un atout dont on cherche à nous détourner par tous les moyens. Croyant pouvoir l'imposer à la nouvelle génération. Quitte à lui faire revivre les mêmes affres. Notre force, entre autres, est en effet liée à la richesse sémantique de notre patrimoine culturel et à la variété des interprétations qu'il suscite. Aujourd'hui, notre diversité est un atout. Elle nous permet une compréhension mutuelle et collective à l'heure où les technologies rendent chaque produit transparent.

Celles-ci vont favoriser le grand renouveau à venir et contribuer à le décupler. Les problématiques développées à travers les productions existantes ont prouvé une grande part de leur inadaptation aux réalités actuelles. Il est grand temps de les renouveler. En commençant par adopter une politique qui fasse de la place pour un grand dessein culturel, ce en augmentant les budgets aujourd'hui quasi dérisoires et en agissant sans complexe sur un domaine qui a besoin de soutiens et d'orientations. Enfin centrées sur les contraintes et possibilités actuelles concrètes, elles nous feront enfin entrer de plein pied dans la modernité de demain.

Juin 2006


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